Différences entre les versions de « Les prépositions doublées »

De Arbres
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Trépos (1980 :261) par ailleurs cite un cas de double occurrence de la préposition ''da'' en breton cornouaillais, où le sujet de l'infinitive cliticise indifféremment sur la préposition qui sélectionne l'infinitive ou sur la préposition sémantiquement vide qui est sandwichée entre les deux.
Trépos (1980 :261) par ailleurs cite un cas de double occurrence de la préposition ''da'' en breton cornouaillais, où le sujet de l'infinitive cliticise indifféremment sur la préposition qui sélectionne l'infinitive ou sur la préposition sémantiquement vide ''da'' qui est sandwichée entre les deux.
   
   
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Version du 3 juillet 2008 à 18:40

Présentation du phénomène

Les prépositions assignatrices de cas

Da est une préposition sémantiquement vide

Da assigne un cas au sujet de son infinitive

Stump (1989), Stephens (1990), Borsley & Roberts (1996), et Jouitteau (2005 :chap4) considèrent que la préposition ‘da’ est assignatrice de cas pour les sujets des propositions infinitives.

Doublage de la préposition

Cependant, il existe des paradigmes en breton où il est hardu de motiver l'insertion d'une préposition da. Dans la phrase ci-dessous donnée par Tallerman (1997), deux prépositions apparaissent à la suite, sans que leur rôle sémantique soit évident. La phrase serait cependant agrammaticale si ces prépositions n'étaient pas insérées.


() Reit din ur bluenn vat da Yann da skrivañ aesoc'h a se.
Donnez P-moi une plume bonne P Yann P écrire plus aisément de ça.
'Donnez-moi un bon stylo, que Yann puisse écrire plus facilement.'


Trépos (1980 :261) par ailleurs cite un cas de double occurrence de la préposition da en breton cornouaillais, où le sujet de l'infinitive cliticise indifféremment sur la préposition qui sélectionne l'infinitive ou sur la préposition sémantiquement vide da qui est sandwichée entre les deux.

() Deuit tostoc'h eta evit din ho klevet gwelloc'h
Venez plus.près alors pour P-1SG OBL.2PL entendre mieux
'Venez donc plus près que je puisse vous entendre mieux.'


() Deuit tostoc'h eta evid-on d' ho klevet gwelloc'h
Venez plus.près alors pour-1SG P OBL.2PL entendre mieux
'Venez donc plus près que je puisse vous entendre mieux.'

Variation dialectale

L’inventaire des prépositions assignatrices de cas n’est pas établi de dialecte en dialecte.

A ma connaissance, il n’existe pas de documentation sur la variation de la disponibilité des structures de doublement complexes des prépositions comme ci-dessus.

Enjeux Théoriques

Stump (1989), Stephens (1990), Borsley & Roberts (1996), et Jouitteau (2005 :chap4) considèrent que la préposition ‘da’ est assignatrice de cas pour les sujets des propositions infinitives.

Dans l’exemple de Tallerman (1997), deux prépositions ‘da’ apparaissent en périphérie gauche du domaine non tensé. L’insertion de la préposition ‘da’ la plus haute est sans controverse motivée par la vérification casuelle du sujet de l’infinitive.


(7) Reit din ur bluenn vat da Yann da skrivañ aesoc'h a se.
Donnez P-moi une plume bonne P Yann P écrire plus aisément de ça.
'Donnez-moi un bon stylo, que Yann puisse écrire plus facilement.'

Une préposition en trop?

Reste à motiver l’insertion de la seconde préposition. Si l'insertion de la préposition la plus haute est simple à motiver car le sujet a besoin d'un cas, la motivation pour l'insertion de la préposition da la plus basse est pour le moins mystérieuse. Hendrick (1988) et Tallerman (1997) considèrent ce problème épineux de double occurrence de préposition.

Hendrick (1988) et Tallerman (1997) notent justement que la seconde préposition ‘da’ ci-dessus n’assigne pas de cas au sujet de l’infinitive, et concluent que da n’est pas toujours assignatrice de cas. Ils stipulent donc qu’il y a deux sortes de prépositions homophones, ou bien qu’elles sont dans des position structurales différentes.


Les infinitives ont-elles besoin d'un cas?

Jouitteau (2005 :chap 4) propose, pour des raisons indépendantes, que les structures verbales bretonne ont des propriétés nominales telles qu’elles demandent, comme les syntagmes nominaux, à recevoir un cas.

La prédiction est donc ici que la préposition da doit être insérée en dernier ressort lorsque les structures verbales infinitives ne reçoivent ni le cas sujet ni les cas objet d’un verbe tensé. Elle reconnaît donc deux prépositions identiques dans les exemples da Yann da skrivañ, toutes deux assignatrices de cas. La seconde préposition ‘da’ est insérée ici pour vérifier les traits casuels de la structure verbale infinitive. Elle évite ainsi les complications dues aux alternances d’une préposition ‘da’ assignatrice de cas pour le sujet d’une infinitive et d’une autre préposition ‘da’ qui, elle n’assignerait pas de cas.

Cette hypothèse permet de rendre compte de paradigmes complexes comme l’alternance ci-dessous. Dans cette structure, le sujet de l’infinitive est pronominal et la première préposition est ‘evit’, -pour-. Le sujet de l’infinitive étant pronominal, il s’incorpore dans la tête fonctionnelle qui le précède, ici une préposition, et forme une préposition ‘fléchie’. On voit que le sujet pronominal peut être incorporé indifféremment dans la première ou dans la seconde préposition.

Trépos (1980 :261) cite un cas de double occurence de la préposition da en breton cornouaillais, où le sujet de l'infinitive cliticise indifféremment sur la préposition qui sélectionne l'infinitive ou sur la préposition sémantiquement vide qui est sandwichée entre les deux.

() Deuit tostoc'h eta evit din ho klevet gwelloc'h
Venez plus.près alors pour P-1SG OBL.2PL entendre mieux
'Venez donc plus près que je puisse vous entendre mieux.'


() Deuit tostoc'h eta evid-on d' ho klevet gwelloc'h
Venez plus.près alors pour-1SG P OBL.2PL entendre mieux
'Venez donc plus près que je puisse vous entendre mieux.'

Bibliographie

Borsley, R. & Roberts, Ian (eds), 1996 The Syntax of the Celtic Languages: A Comparative Perspective, Cambridge University Press.

Hendrick, R. 1988. Anaphora in Celtic and Universal Grammar. Dordrecht: Kluwer.

Jouitteau, M. 2005a. ‘Nominal Properties of vPs in Breton, A hypothesis for the typology of VSO languages’, Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages, Carnie, Andrew, Heidi Harley and Sheila Ann Dooley (eds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company.

Jouitteau, M. 2005b. La syntaxe comparée du Breton, PhD ms.

Tallerman, M. 1997. ‘Infinitival clauses in Breton.’, Canadian Journal of Linguistics, Special issue: Topics in Celtic Syntax, 205-233.

Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 edition Simon, Rennes.- 1980 edition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 edition Brud Nevez, Brest.

Stephens, J. 1990. ‘Non-finite Clauses in Breton’, Celtic Linguistics: Readings in the Brythonic Languages, Martin, Fife and Poppe, Amsterdam, john Benjamins.

Stump (1989),