Différences entre les versions de « Les prépositions doublées »

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== Enjeux Théoriques ==
== Enjeux Théoriques ==


Stump (1989), Stephens (1990), Borsley & Roberts (1996), et Jouitteau (2005 :chap4) considèrent que la préposition ‘da’ est assignatrice de cas pour les sujets des propositions infinitives.  
Stump (1989), Stephens (1990), Borsley & Roberts (1996), et Jouitteau (2005 :chap4) considèrent que la préposition ‘da’ est assignatrice de cas pour les sujets des propositions infinitives.  


Dans l’exemple ci-dessous de Tallerman (1997), deux prépositions ‘da’ apparaissent en périphérie gauche du domaine non tensé. L’insertion de la préposition ‘da’ la plus haute est sans controverse motivée par la vérification casuelle du sujet de l’infinitive. Reste à motiver l’insertion de la seconde préposition.  
Dans l’exemple ci-dessous de Tallerman (1997), deux prépositions ‘da’ apparaissent en périphérie gauche du domaine non tensé. L’insertion de la préposition ‘da’ la plus haute est sans controverse motivée par la vérification casuelle du sujet de l’infinitive.  
   
 
Reit  din     ur bluenn vat,      da [ Yann da [ skrivañ   aesoc’h    a       se ]
{| class="prettytable"
donne à.moi un plume bonne   P     Yann         P     écrire     plus.aisément de ça
| (7).  
‘Donnez-moi un bon stylo, que Yann puisse écrire plus facilement.
| Reit
| din
| ur
| bluenn
| vat
| da
| Yann
| da
| skrivañ
| aesoc'h
| a  
| se.
 
|-
|
| Donnez
| P-moi
| une
| plume
| bonne
| P
| Yann
| P
| écrire
| plus aisément
| de
| ça.
|-
|
| colspan="4" | 'Donnez-moi un bon stylo, que Yann puisse écrire plus facilement..'


|}    
=== Une préposition en trop? ===
Reste à motiver l’insertion de la seconde préposition. Si l'insertion de la préposition la plus haute est simple à motiver car le sujet a besoin d'un cas, la motivation pour l'insertion de la préposition ''da'' la plus basse est pour le moins mystérieuse.
Hendrick (1988) et Tallerman (1997) considèrent ce problème épineux de double occurrence de préposition.  
Hendrick (1988) et Tallerman (1997) considèrent ce problème épineux de double occurrence de préposition.  


Hendrick (1988) et Tallerman (1997) notent justement que la seconde préposition ‘da’ ci-dessus n’assigne pas de cas au sujet de l’infinitive, et concluent que ‘da’ n’est pas toujours assignatrice de cas. Ils stipulent donc qu’il y a deux sortes de prépositions homophones, ou bien qu’elles sont dans des position structurales différentes.  
Hendrick (1988) et Tallerman (1997) notent justement que la seconde préposition ‘da’ ci-dessus n’assigne pas de cas au sujet de l’infinitive, et concluent que ''da'' n’est pas toujours assignatrice de cas. Ils stipulent donc qu’il y a deux sortes de prépositions homophones, ou bien qu’elles sont dans des position structurales différentes.
 
=== Les infinitives ont-elles besoin d'un cas? ===
 
Jouitteau (2005 :chap 4) propose, pour des raisons indépendantes, que les structures verbales bretonne ont des propriétés nominales telles qu’elles demandent, comme les syntagmes nominaux, à recevoir un cas.  


Jouitteau (2005 :chap 4) propose, pour des raisons indépendantes, que les structures verbales bretonne ont des propriétés nominales telles qu’elles demandent, comme les syntagmes nominaux, à recevoir un cas. La prédiction est donc ici que la préposition ‘da’ doit être insérée en dernier ressort lorsque les structures verbales infinitives ne reçoivent ni le cas sujet ni les cas objet d’un verbe tensé. Elle reconnaît donc deux prépositions identiques dans les exemples ''da Yann da skrivañ'', toutes deux assignatrices de cas. La seconde préposition ‘da’ est insérée ici pour vérifier les traits casuels de la structure verbale infinitive. Elle évite ainsi les complications dues aux alternances d’une préposition ‘da’ assignatrice de cas pour le sujet d’une infinitive et d’une autre préposition ‘da’ qui, elle n’assignerait pas de cas.  
La prédiction est donc ici que la préposition ''da'' doit être insérée en dernier ressort lorsque les structures verbales infinitives ne reçoivent ni le cas sujet ni les cas objet d’un verbe tensé. Elle reconnaît donc deux prépositions identiques dans les exemples ''da Yann da skrivañ'', toutes deux assignatrices de cas. La seconde préposition ‘da’ est insérée ici pour vérifier les traits casuels de la structure verbale infinitive. Elle évite ainsi les complications dues aux alternances d’une préposition ‘da’ assignatrice de cas pour le sujet d’une infinitive et d’une autre préposition ‘da’ qui, elle n’assignerait pas de cas.  


Cette hypothèse permet de rendre compte de paradigmes complexes comme l’alternance ci-dessous. Dans cette structure, le sujet de l’infinitive est pronominal et la première préposition est ‘evit’, -pour-. Le sujet de l’infinitive étant pronominal, il s’incorpore dans la tête fonctionnelle qui le précède, ici une préposition, et forme une préposition ‘fléchie’. On voit que le sujet pronominal peut être incorporé indifféremment dans la première ou dans la seconde préposition.
Cette hypothèse permet de rendre compte de paradigmes complexes comme l’alternance ci-dessous. Dans cette structure, le sujet de l’infinitive est pronominal et la première préposition est ‘evit’, -pour-. Le sujet de l’infinitive étant pronominal, il s’incorpore dans la tête fonctionnelle qui le précède, ici une préposition, et forme une préposition ‘fléchie’. On voit que le sujet pronominal peut être incorporé indifféremment dans la première ou dans la seconde préposition.

Version du 3 juillet 2008 à 19:11

Présentation du phénomène

- ici -

Variation dialectale

L’inventaire des prépositions assignatrices de cas n’est pas établi de dialecte en dialecte.

A ma connaissance, il n’existe pas de documentation sur la variation de la disponibilité des structures de doublement complexes des prépositions comme ci-dessus.

Enjeux Théoriques

Stump (1989), Stephens (1990), Borsley & Roberts (1996), et Jouitteau (2005 :chap4) considèrent que la préposition ‘da’ est assignatrice de cas pour les sujets des propositions infinitives.

Dans l’exemple ci-dessous de Tallerman (1997), deux prépositions ‘da’ apparaissent en périphérie gauche du domaine non tensé. L’insertion de la préposition ‘da’ la plus haute est sans controverse motivée par la vérification casuelle du sujet de l’infinitive.

(7). Reit din ur bluenn vat da Yann da skrivañ aesoc'h a se.
Donnez P-moi une plume bonne P Yann P écrire plus aisément de ça.
'Donnez-moi un bon stylo, que Yann puisse écrire plus facilement..'

Une préposition en trop?

Reste à motiver l’insertion de la seconde préposition. Si l'insertion de la préposition la plus haute est simple à motiver car le sujet a besoin d'un cas, la motivation pour l'insertion de la préposition da la plus basse est pour le moins mystérieuse. Hendrick (1988) et Tallerman (1997) considèrent ce problème épineux de double occurrence de préposition.

Hendrick (1988) et Tallerman (1997) notent justement que la seconde préposition ‘da’ ci-dessus n’assigne pas de cas au sujet de l’infinitive, et concluent que da n’est pas toujours assignatrice de cas. Ils stipulent donc qu’il y a deux sortes de prépositions homophones, ou bien qu’elles sont dans des position structurales différentes.

Les infinitives ont-elles besoin d'un cas?

Jouitteau (2005 :chap 4) propose, pour des raisons indépendantes, que les structures verbales bretonne ont des propriétés nominales telles qu’elles demandent, comme les syntagmes nominaux, à recevoir un cas.

La prédiction est donc ici que la préposition da doit être insérée en dernier ressort lorsque les structures verbales infinitives ne reçoivent ni le cas sujet ni les cas objet d’un verbe tensé. Elle reconnaît donc deux prépositions identiques dans les exemples da Yann da skrivañ, toutes deux assignatrices de cas. La seconde préposition ‘da’ est insérée ici pour vérifier les traits casuels de la structure verbale infinitive. Elle évite ainsi les complications dues aux alternances d’une préposition ‘da’ assignatrice de cas pour le sujet d’une infinitive et d’une autre préposition ‘da’ qui, elle n’assignerait pas de cas.

Cette hypothèse permet de rendre compte de paradigmes complexes comme l’alternance ci-dessous. Dans cette structure, le sujet de l’infinitive est pronominal et la première préposition est ‘evit’, -pour-. Le sujet de l’infinitive étant pronominal, il s’incorpore dans la tête fonctionnelle qui le précède, ici une préposition, et forme une préposition ‘fléchie’. On voit que le sujet pronominal peut être incorporé indifféremment dans la première ou dans la seconde préposition.

breton cornouaillais, Trépos (1980 :261) Deuit tostoc’h eta evit [vP dini [ ti ] ho klevet gwelloc’h ]. venez plus.près alors pour à.moi votre entendre mieux ‘Venez plus près que je puisse vous entendre mieux.’

Deuit tostoc’h eta evidoni [ ti ] d’ [vP [ ti ] ho klevet gwelloc’h]. venez plus.près alors pour.moi de votre entendre mieux ‘Venez plus près que je puisse vous entendre mieux.’

Bibliographie

Borsley, R. & Roberts, Ian (eds), 1996 The Syntax of the Celtic Languages: A Comparative Perspective, Cambridge University Press.

Hendrick, R. 1988. Anaphora in Celtic and Universal Grammar. Dordrecht: Kluwer.

Jouitteau, M. 2005a. ‘Nominal Properties of vPs in Breton, A hypothesis for the typology of VSO languages’, Verb First: On the Syntax of Verb Initial Languages, Carnie, Andrew, Heidi Harley and Sheila Ann Dooley (eds.), xiv, 434 pp. (pp. 265–280) Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins Publishing Company.

Jouitteau, M. 2005b. La syntaxe comparée du Breton, PhD ms.

Tallerman, M. 1997. ‘Infinitival clauses in Breton.’, Canadian Journal of Linguistics, Special issue: Topics in Celtic Syntax, 205-233.

Trépos, P. 2001 [1968, 1980, 1996], Grammaire bretonne, 1968 edition Simon, Rennes.- 1980 edition Ouest France, Rennes; 1996, 2001 edition Brud Nevez, Brest.

Stephens, J. 1990. ‘Non-finite Clauses in Breton’, Celtic Linguistics: Readings in the Brythonic Languages, Martin, Fife and Poppe, Amsterdam, john Benjamins.

Stump (1989),