Deus, douz, dac'h

De Arbres

La préposition deus, ou douz, est très répandue dans l'aire parlante centrale. Selon les usages, elle peut être traduite en français par 'de, à, contre, envers, selon, en proportion de'....


(1) ... Ha oa aretet deus kostez an ti du-se.
...et était arrêté 3SGM de côté le maison chez.2
'... et il s'était arrêté du côté de cette maison.'
Cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:8)


 Gros (1970:162)
 "Ce mot n'est pas admis dans la langue littéraire; mais il est d'un usage très étendu en trégorrois parlé qui s'en sert constamment aux lieu et place des trois prépositions classiques du K.L.T. :
 
 eus, 'de' (provenance, extraction)
 ouz (ou oh), 'à, contre, envers' 
 diouz (ou dioh), 'de' (éloignement, séparation), 'selon, en proportion de, à' (convenance)
 
 et dans certains cas, de
 a, 'de' (origine, provenance)
 
 [...] à mon avis, deuz, qui est employé en Cornouaille aussi bien que dans le Trégor, devrait être reçu dans le breton écrit concurremment avec euz."


Morphologie

deus en KLT

Les formes en deus sont typiques en Cornouaille et dans l'aire centrale. Elles sont aussi recueillies en Léon jusqu'à Plouzane ou Lesneven/Kerlouan.


(1) Deuz uhelder Koz-kastell, an Amerikaned a wele va lienennou. Plouzane, Briant-Cadiou (1998:198)
de haut.eur vieux-chateau le améric.ains R1 voyaient mon1 linge.une.PL
'...des hauts de Koz-Kastell, les américains voyaient mes draps.'


incorporation instable

La préposition deus a un paradigme instable d'incorporation de ses objets pronominaux.


pronoms objets non-incorporés
(2) o zyn zo deʒa mœs ke bit dø 'kɛvə døs ã Duault, Avezard-Roger (2004a:121)
Ur sizhun 'zo dija 'meus ket bet de keve deus eñ.
un semaine ya. déjà ai pas eu de nouvelles de lui
'Il y a une semaine déjà que je n'ai pas eu de nouvelles de lui.'


(3) Troñs-lostenn 'veze graet deus'tañ!.
retrousse-chemise était fait de.à.lui
'On l'appelait "retrousse-chemise"' (coureur de jupons) Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:II)


deusoutañ, deusouti...

Comme doc'h, la préposition deus peut sélectionner comme objet la préposition ouzh et former avec elle une préposition complexe.


(4) Me n'ouzon ket petra eo ar paotr, lavaran deoc'h me frekantan gour deuzouto.
moi ne sais pas quoi est le gars dis à.vous moi fréquente homme de.de.eux
'Moi, ce gars, je sais pas ce qu'il est, je vous dis que je ne fréquente aucun d'eux.'
Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:73)


(5) Tristan a zegas atao ur foto deuhoutañ ...
Tristan R1 apporte toujours un photo de.de.lui
'Tristan envoie toujours une photo de lui...' Léon (Kerlouan/Lesneven), A. M. (05/2016)


(6) An ankou neus ket bet ezhomm deusouzoc'h.
le ankou a pas eu besoin de.ouzh.vous
'L'ankou n'a pas eu besoin de vous.'
traducteur Cosey, Hag ar menez a gano evidoc'h, Jonathan 2, p.45


dac'h en Léon

En Léon, à Plouzane, Plougerneau ou à Saint-Pol-de-Léon, la préposition généraliste est réalisée en dac'h.


(1) E-peseurt poent dac'h an devezh?
dans-quel moment de le journée
'[A] quel moment de la journée ?' Léon, Kervella (2009:113)


(2) Amañ ar fakteur a base da seizh eur dach ar mintin.
ici le facteur R1 passe à 7 heure de le matin
'Ici ils distribuent le courrier à 7h.' Plougerneau, M-L. B. (04/2016)


(3) dac'h an uhelder dac'h ar mor
de le haut.eur de le mer
'selon la hauteur de la mer.' Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:8)


(4) An dra-se a zepande dac'h an amzer.
le chose-ci R1 dépendait de le temps
'Cela dépendait du temps qu'il faisait.' Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:9)


(5) ɔX te vɛs tao o kunt ano daʁ da vamgoz Saint-Pol-de-Léon, Avezard-Roger (2004a:210)
O, te 'vez atav o kount' anv dac'h da vamm-gozh.
Oh toi est toujours à4 conter nom de ton1 maman-1vieille
'Oh, tu es toujours en train de parler de ta grand-mère'


(6) tregont gwech dah reñk. Plouzane, Briant-Cadiou (1998:198)
trente fois de suite
'trente fois de suite.'


systèmes mixtes

Dans Briant-Cadiou (1998), locutrice de Plouzane, on trouve un système mixte de formes deus et léonarde dac'h, mais aussi les formes ouzh, diouzh et eus.


(1) ...dah eno, e hellent evezia ouz eur pennad mad a vro. Plouzane, Briant-Cadiou (1998:198)
de R4 pouvaient surveiller à un morceau bon de1 pays
'...de là, ils pouvaient surveiller une bonne partie du pays.'


(2) ...dindan urz ar Jeneral Ramke, a gavas an tiegez-se deuz o doare. Plouzane, Briant-Cadiou (1998:199)
de le général Ramke R1 trouva le maison-ci de leur2 façon
'...sous les ordres du général Ramke à qui plut la maison.'

Variation dialectale

Dès 1922, est signalé l'usage de "deus pour ouzh, diouzh et eus, en Cornouaille" (Académie bretonne 1922:292). Gourmelon (2014:7) propose la répartition dialectale suivante:


(1) breton classique, côtes du Léon, Goëlo Cornouaille, Trégor Vannetais
a, eus deus a(g)
ouzh deus doc'h
diouzh deus doc'h


Cependant, pour le trégorrois, on trouve la forme /dœzz/ dans Le Dû (2012) dans quelques exemples à l'entrée diouzh, en très large minorité après la forme douz. La forme deus dépasse aussi l'axe Cornouaille/Trégor. On la trouve dans la vallée du Scorff.


(2) Ma vri 'dosta deus an douar.
mon2 nez R1 approche de le terre
'Mon nez s'approche du sol (la côte est raide!).'
Le Scorff, Ar Borgn (2011:28)


répartition dialectale

La forme deus est largement repoussée en standard. Elle est par exemple absente de Menard & Kadored (2001) ou Merser (2009).

A Ouessant, les trois prépositions sont distinctes : diouzh est réalisé en douh (e teued douh an noz 'on venait la nuit'), eus est réalisé comme tel ou sous la forme deus, ouzh est réalisé ouh (et diwar est réalisé en dor, sur war réalisé en 'or', Gouedig 1982).

La forme deus n'apparaît pas en bas-vannetais dans Nicolas (2005) (où la forme en [də] correspond à la préposition standard da). Favereau (1993:§'deus') considère que le vannetais utilise uniquement la forme a(g) (mais on y trouve aussi la forme doc'h).

Syntaxe

de même emploi que ouzh

(1) Dam 'betra emaoc'h o sell deusoutañ?
pourquoi êtes à4 regarder à.lui
'Pourquoi vous intéresse-t-il?' Le Juch, Hor Yezh (1983:17)


de même emploi que eus

Certains dialectes utilisent indifféremment les prépositions eus (ou dimeuz au coeur de l'aire centrale) et deus.


(2) Hag e komz d'in deus ar gêr, eus an aotrou person en deus va lakaet da ober va faskou.
et R parle à'moi de le foyer de le monsieur curé R.3SG a moi mis à faire mon Pâques
'Et il me parle de chez moi, du curé qui m'a fait faire mes Pâques.'
Cornouaille (Pleyben), Ar Floc'h (1950:78)


En Goëlo, Koadig (2010:49) rapporte un cas d'utilisation de deus en lieu et place d'une préposition standard eus.

Deus peut être en compétition avec le standard eus, mais aussi avec la variante dialectale doc'h. Selon Goyat (2012:202), "/døz/ ou /doh/ est la préposition la plus usitée après un superlatif" à Plozévet.


(2) /arˌʒapɛl 'ɡaɛra døz / doh ar ˌbarz/
ar japel gaerra euz ar barrez
le 1chapelle 1belle.le.plus de le 1paroisse
'la plus belle chapelle de la paroisse', Plozévet, Goyat (2012:203)


de même emploi que diouzh

(3) An daou-se 'zegouezh ket 'n eil deus egile.
le 2- 1arrive pas le second de autre
'Ces deux-là ne vont pas bien ensemble.' Haut-cornouaillais, Riec, Bouzeg (1986:VII)


(4) 'Ma ket aes dont 'benn deusoute.
est pas facile venir à.bout de.ouzh.eux
'Ce n'est pas facile de les diriger (les enfants, les subordonnés).' Haut-cornouaillais, (Riec), Bouzeg (1986:VII)


En (5), au début du XX°, deus est en place de diouzh en standard, mais la forme ouzh est préservée.


(5) Deuz ma welan, aman oa den ouz va gedal.
à.ce que4 vois ici était homme à me1 attendre
'A ce que je vois, personne ici ne s'attendait à moi.' Haute-Cornouaille (Kergrist-Moëlou), Le Garrec (1901:12)


Diachronie

Hemon (2000:§68) note des occurrences de la préposition deus, en mentionnant que comme eus, cette préposition n'admet pas d'incorporation des pronoms sans la médiation d'une autre préposition.

  • deux anesy, (1530, Pm. n. 237); deus anezhe (1874, SBI:II:196).


Bibliographie

  • Gros, Jules 1970. TBP.I Le trésor du breton parlé I. Le langage figuré, chapitre II.
  • Ledunois, J. P. 2002. La préposition conjuguée en breton, thèse, Skol-Veur Roazhon, Atelier National de Reproduction des Thèses. (p. 263-)