Condition C du liage

De Arbres

Le Principe C, ou Condition C du liage est une règle commune aux langues naturelles. Elle restreint les possibilités de co-référence entre les expressions référentielles (les noms propres ou autres les syntagmes nominaux qui réfèrent de façon autonome) et les expressions anaphoriques (les pronoms ou les autres groupes nominaux anaphoriques).

Le principe C interdit une relation structurale particulière entre les expressions référentielles et les anaphores avec lesquelles ils co-réfèrent (la relation de c-commande). En (1), Amelia est dans cette relation de c-commande avec ar c'huadur 'l'enfant'. La phrase est grammaticale tant que les deux syntagmes ne co-réfèrent pas (* 'La petite Amélia a imaginé qu'elle-même avait pris la mauvaise clef').


(1) Amelia en deus zouchet ar c'huadur en neus kemeret an alc'hwez fall.
Amelia 3SGM a pens.é le 5enfant 3SGM a pr.is le clef mauvais
'Amélia a imaginé que l'enfant avait pris la mauvaise clef.'
Léonard (Plougerneau), M-L. B. (05/2018)


Illustrations

français

Le principe C est illustré pour le français ci-dessous. En (1), Le pronom possessif son peut librement référer à Pamba (indice 1) ou à quelqu'un d'autre (indice 2). Pamba est assez haut dans la structure pour qu'il n'y ait aucun risque que le possessif son soit plus haut que lui dans la structure, en relation de c-commande.


(1) Pamba1 aime son1,2 chien.

(2) Son*1,2 chien aime Pamba1.

(3) Il*1,2 aime le chien de Pamba1.


Le principe C restreint les possibilités de coréférence en (2) et (3). En (2), le possessif est plus haut dans la structure que l'expression référentielle Pamba (en relation de c-commande). Il n'est plus possible de lire la phrase avec la même liberté qu'en (1): le possesseur du chien est forcément quelqu'un d'autre que Pamba. Le principe C interdit la coréférence du possessif et de Pamba, car le possessif c-commande l'expression référentielle Pamba. C'est la même chose en substance qui arrive en (3), où le pronom sujet il ne peut pas co-référer avec Pamba.


breton

Ces faits sont réplicables en breton.


(1) Pamba1 a gar e1,2 gi.
Pamba R1 aime son1 chien
'Pamba aime son chien.'
Standard


(2) E*1,2 gi a gar Pamba1.
son1 chien R1 aime Pamba
'Son chien aime Pamba.'
Standard


(3) Karout a ra*1,2 ki Pamba1
aimer R1 fait chien Pamba
'Il aime le chien de Pamba.'
Standard


condition C vs. cataphore

Les cataphores sont des pronoms qui coréfèrent avec des expressions référentielles prononcées plus tard dans la phrase ou dans le discours. Les cataphores sont possibles et fréquentes en breton. L'exemple en (4) est un exemple de cataphore. La co-référence est possible car le possessif est enfoncé dans le constituant prépositionnel evel e vamm; il n'est donc pas en position structurale de c-commander le pronom sujet du verbe komz 'parler'.


(4) Vêll i vɑ̃m e gozé.
Evel e vamm a gomze. Équivalent standardisé
[ comme son1 mère ] R1 parlait
'Il parlait comme sa mère.'
Trégorrois (Plougrescant), Le Dû (2012:105)


En (5), autre exemple de cataphore, la co-référence est possible car le possessif est enfoncé dans le syntagme nominal; il n'est donc pas en position structurale de c-commander le nom propre sujet Mona.


(5) He zad a lavare din ec'h ev Mona.
[ son2 père ] R disait à.moi [ R+C,4 boit Mona ]
'Son père me disait que Mona boit.'
Standard, Hendrick (1990:125)


L'exemple en (6) est un autre exemple de cataphore. La co-référence est possible car l'objet pronominal anezhañ est enfoncé dans la structure de la relative; il n'est donc pas en position structurale de c-commander le nom propre Per.


(6) Ar verc'h he deus gwelet anezhañ a venne anavezout Per.
le 1fille [ 3SGF a v.u P.lui ] R1 voulait connaître Pierre
'La fille qui l'a vu voulait rencontrer Pierre.'
Standard, Hendrick (1990:124)


La règle qui régit les pronoms n'est pas une règle de non précédence du pronom par rapport au nom coréférent, car aucune cataphore ne serait possible. La condition C du liage n'est pas une relation linéaire qui aurait rapport avec ce qui est prononcé en premier dans la phrase, mais bien une condition structurale.

La condition C du liage est précisément l'interdiction d'une relation structurale particulière, la c-commande, entre un pronom et son groupe nominal coréférent. Hendrick (1990:124) pointe par exemple que contrairement aux cas de cataphores autorisés, le pronom vide sujet en (7), avec lequel he deus s'accorde, est en relation structurale de c-commande du nom propre Mona. En conséquence, ce pronom ne peut pas porter la lecture coréférente à Mona, sous peine d'agrammaticalité de la phrase. La lecture de (7) ne peut pas être que Mona a dit qu'elle-même connaissait la réponse.


(7) Lavaret he deus e oar Mona ar respont.
d.it 3SGF a [ R4 sait Mona le réponse ]
'Elle a dit que Mona connaît la réponse.'
Standard, Hendrick (1990:124)

reconstruction

Certaines exceptions à la Condition C viennent d'effets de reconstruction après un mouvement de focalisation.


Horizons comparatifs

Le principe C est actif dans de très nombreuses langues du monde, comme en anglais (Pamba1 likes his1,2 dog vs. His*1,2 dog likes Pamba1), en Dholuo, une langue Nilo-saharienne parlée au Kenya et en Tanzanie (Cable 2010) ou en basque.

dholuo

(1) Pamba1 ohero guoge1,2
Pamba aime chien.POSS.3SG
'Pamba aime son chien.'
Dholuo, Cable (2010:8)


(2) O*1,2-hero guog Pamba1
il.aime chien Pamba
'Il aime le chien de Pamba.'
Dholuo, Cable (2010:8)


basque

(1) Pambak1 bere1,2 zakurra maite du.
Pamba-ergatif son chien.det.absolutif aime auxiliaire transitif
'Pamba aime son chien.'
Basque, R.Etxepare [c.p., 04.2015]


(2) bere*1,2 zakurrak Pamba1 maite du.
son chien.det.ergatif Pamba-absolutif aime auxiliaire transitif
'Son chien aime Pamba.'
Basque, R.Etxepare [c.p., 04.2015]


(3) (Berak)*1,2 Pamba1-ren zakurra maite du.
il/elle/pro Pamba-génitif chien.det.absolutif aime auxiliaire transitif
'Il/elle aime le chien de Pamba.'
Basque, R.Etxepare [c.p., 04.2015]

Bibliographie

  • Cable Seth, 2010. 'The Optionality of EPP in Dholuo', texte.