Auxiliaire gouzout

De Arbres

Gouzout, qui est un verbe lexical qui signifie 'savoir' a aussi deux emplois différents en tant qu'auxiliaire. Gouzout fait partie des quelques verbes qui se prennent eux-mêmes comme auxiliaire, auquel cas il sert juste de support aux morphèmes d'inflexion portant les traits d'accord du sujet et de temps.


(1) Gout ' ouie en ur sevel, da betra e vefe kinniget an devezh.
savoir R savait en1 lever à1 quoi R4 serait employ.é le journée
'Elle savait bien, en se levant, à quoi serait employée la journée.'
Standard, Ar Barzhig (1976:29)


Gouzout connait aussi, de dialecte en dialecte, des usages modaux. En cornouaillais, l'auxiliaire gouzout a une lecture d'habitude.


(2) Honnezh ouie tommañ kafe deomp.
celle.là R savait [ chauff.er café à.nous ]
'Celle-là nous chauffait du café.'
Bas-cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:5)


Dans les phrases négatives, l'auxiliaire modal gouzout a un lecture épistémique (comme en français Les gens ne sauraient dire s'ils viennent encore. ou Je ne saurais vous dire où est la Poste).


Morphologie

Favereau note la forme vannetaise fehe:

  • Ne fehe ket gober… 'Il ne saurait y avoir… '


Lecture d'habitude

Merser (2011:126) attache les formes auxiliées en gouzout à une lecture d'habitude. Goyat (2012:305) parle de d'interprétation "fréquentative". La lecture d'habitude est la seule lecture disponible lorsque le sujet de gouzout est inanimé.


(3) / ar 'ju:d wae ˌfe:a/
Ar yod ' oar c'hweza.
le bouillie R sait gonfler
'La bouillie gonfle.' (dans l'estomac)
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:305)


(4) / ar 'pɛrlɛz wie 'lintra /
Ar perlez ' ouie lintra.
le perles R savait briller
'Les perles brillaient.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:305)


restrictions

sélection d'une infinitive

L'auxiliaire gouzout sélectionne une proposition infinitive (une petite proposition). Les sens modaux ne survivent pas la sélection d'une proposition tensée.


(5) Ha goude-se ar re-se ouie dont tout setu vie blag ken-ha-ken.
et après-ça le ceux. [ savait venir tous voila y.avait blague autant-&-autant ]
'Et après tous ceux-là venaient et on blaguait tant et tant.'
colspan="15" | Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:76)


négation

La lecture d'habitude est compatible avec la négation.

(6) / me ˌnu:zõ ke ˌmon ti maj 'zõ:narz/
Me n'ouzon ket mond ti Mari Zonarz.
moi ne sais pas aller maison Marie1 Donnars
'Je n'ai pas l'habitude d'aller chez Marie Donnars.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:305)


paradigmes de temps

Selon Goyat (2012:305), cet usage de l'auxiliaire gouzout est restreint à Plozévet au présent et à l'imparfait.


(7) Ah ben, setu ni a re yaouank a ouie renkañ boestoù.
eh bien voila nous le ceux jeune R savait ranger boîte.s
'Eh bien, nous les jeunes rangions les boîtes.'
Anna Colin [01/1984] Cornouaillais (Plouhinec), Ouest en mémoire


variation dialectale

Les cas de lectures d'habitude sur l'auxiliaire gouzout se trouvent aisément en corpus cornouaillais. Elles semblent absentes chez le trégorrois Gros. En Léon, on en trouve des usages chez Seite & Stéphan (1957), mais la lecture d'habitude peut être parfaitement inconnue à Plougerneau (Ni a ouie mont d'ar skol., 'Nous savions aller à l'école', M-L. B. 05/2016).


(1) Ha ni ouie mont d'ober van da gas boued.
et nous R savait [ aller pour faire semblant de1 envoyer nourriture ]
'Et nous faisions semblant d'amener de la nourriture.'
Bas-cornouaillais (Le Juch), Hor Yezh (1983:5)


(2) An dud a ouie dont tout da di Mémère neuze.
le 1gens R savait [ venir tous à1 maison Mémère alors ]
'Les gens venaient alors tous chez Mémère.'
Bas-Cornouaillais (Tréboul), Hor Yezh (1983:75-76)


(3) evid rei eun tamm startijenn deom, a ouie kana, kwa.
lui pour donner un morceau énergie à.nous lui R savait chanter quoi
'Lui, pour nous donner un peu d'énergie, il chantait, quoi.'
Cornouaillais (Pleyben), Marvailloù (1994:9)


(4) Tud ' zo a oar lâret e teuont c'hoazh.
gens R est R sait dire R viennent encore
'Il y a des gens qui disent qu'ils viennent encore.'
Cornouaillais (bigouden), Bijer (2007:144)


(5) / 'enɛ war ˌmon da ʃa'seal bøp 'sy:l/
Hennez ' oar mond da chaseal beb sul.
celui-là R sait aller pour1 chasser chaque dimanche
'Il va à la chasse tous les dimanches.'
Cornouaillais (Plozévet), Goyat (2012:305)


(6) Va zad a ouie lavared din...
mon2 père R savait dire à.moi
'Mon père avait l'habitude de me dire … '
Standard, Merser (2011:126)


(7) Hen oar ober troioù. Hen oar c'hoari e-lec'h labourat.
celui-là sait faire tour.s celui-là sait jouer au-lieu travailler
'Il a l'habitude de jouer des tours, de jouer au lieu de travailler.'
Cornouaillais de l'Est intérieur, Martin (1929:178)


(8) 'N dud oar bernio ha divernio foenn da lak noñ da zerc'hé.
An dud a oar berniañ ha diverniañ foenn da lakaat anezhañ da sec'hiñ. Équivalent standardisé
le 1gens R sait tass.er et en.tass.er foin pour1 mettre P.lui de1 sécher
'Pour les faire sécher […] les faneurs font et défont les tas de foin.'
Cornouaillais de l'Est maritime, Bouzec & al. (2017:260)


(9) eun ebeul bïan brao a oar debri bara diwar va dorn
un poulain petit beau R1 AUX manger pain de mon2 main
'un beau petit poulain qui me mange du pain dans la main'
Léonard, Seite & Stéphan (1957:83)

Lecture épistémique

Gros (1989:'gouzoud') propose que "comme le français 'savoir', gouzout, au conditionnel, prend le sens de 'pouvoir'" (Il ne saurait être bien loin.).

Le verbe français pouvoir a cependant aussi une lecture de possibilité. Cette lecture émerge de façon plus restreinte avec l'auxiliaire gouzout breton.


En (1), la lecture est épistémique: où le locuteur évoque plusieurs alternatives et exprime son penchant pour l'une d'entre elles.


(1)a. N'oufe ket beza eet a-bell.
ne1 saurait pas être all.é de1-loin
'Il ne saurait (peut) être allé bien loin.'
Trégorrois, Gros (1989:'gouzoud')


(1)b. N'oufe ket bezañ aet pell.
ne1 saurait pas être all.é loin
'Il ne saurait être loin.'
Favereau (1993:§'gouzout')


(2) Hi n'oufe ket beza eur plah gwall abred.
elle ne1 saurait pas être un fille très tôt
'Elle ne doit pas être une fille bien dégourdie.'
Trégorrois, Gros (1989:'abréd')


restriction aux phrases négatives

Les lectures épistémiques de l'auxiliaire sont restreintes aux contextes négatifs.


(3) En eur wezenn zeh n'oufe ket bezañ kalz a avalou.
en un 1arbres.SG sec ne1 saurait pas être beaucoup de1 pomme.s
'Dans un arbre sec, il ne saurait y avoir beaucoup de pommes.'
Trégorrois, Gros (1984:321)


Lecture de possibilité

L'exemple de Gros qui se rapproche le plus de la lecture de possibilité totale est en (4), avec un nom nu.


(4) N'oufe den kompren pegen fall eo an den-ze.
ne1 saurait personne comprendre combien mauvais est le personne.
'Personne ne peut comprendre combien cet homme est méchant.'
Trégorrois, Gros (1989:'gouzoud')


Quelques autres exemples obtiennent une lecture de possibilité, mais il est moins net qu'elle ne soit pas obtenue par la dénotation première du verbe gouzout, 'savoir'.


  • Hennez na ouife ket dislavared eur bugel.
'Il ne saurait contredire un enfant (tellement il est doux et bon).'
Trégorrois, Gros (1989:'gouzoud')
  • N'oufen ket lavared dit.
'Je ne saurais te le dire.'
Trégorrois, Gros (1989:'gouzoud')


Diachronie

(1) varc'h n'eo kéd eul loen mâd, neuz fors péger gloruz éc'h oufé béa gant-hañ.
son1 cheval ne1 est pas un animal bon ne.est importe combien fier R+C,4 saurait être avec.lui
'Son cheval n'est pas une bonne bête, quelque fier qu'il en soit.'
Hingant (1868:§139-146)


Horizons comparatifs

L'emploi épistémique dans les phrases négatives rappelle l'emploi du verbe 'savoir' en français (Il ne saurait y en avoir beaucoup cet hiver.), qui lui aussi est restreint à la négation (* Il saurait y en avoir beaucoup cet hiver.).


Le contraste entre français standard et breton tient donc dans les phrases positives, avec leur lecture d'habitude. En franco-breton, on trouve des usages du verbe savoir en tant qu'auxiliaire avec la même lecture d'habitude qu'en breton.

  • Et quand le terme était trop avancé, certaines savaient dire: 'Celle-là n'attrapera jamais la noce, jamais !'
Français de Basse-Bretagne (Douarnenez), Martin (1994:79)


En anglais, le modal de possibilité can partage la même racine historique que le verbe de connaissance to know (Oxford English Dictionary).


Expressions

Le verbe gouzout est aussi utilisé sans le sens lexical de 'savoir' dans l'expression vannetaise en (2).


(2) Yann a oar / oui dienez da Vari.
Yann R sait manque à1 Marie
'Yann manque à Marie.'
Haut-vannetais soutenu, Louis (2015:34,54)