Argot

De Arbres

L'argot est un niveau de langue qui marque une familiarité et une connivence entre interlocuteurs. Les règles de syntaxe sont typiquement préservées dans les parlers argotiques, qui sont marqués par des changements lexicaux importants. C'est une différence profonde avec les variations dialectales, qui impactent la syntaxe de la langue. Cependant, les argots peuvent eux-mêmes montrer des variations dialectales. Elles en montrent typiquement entre générations.


(1) Emaoun o komañs pakañ anezho.
suis à4 commencer attraper P.eux
'Je commence à dérailler.'
Léonard, Kervella (2009:119)


En breton, ce sont surtout les argots professionnels, qui marquent l'appartenance à un corps de métier, qui ont été étudiés, en particulier le langage chon des brodeurs de Pont L'Abbé ou le tunodo des couvreurs de Ker ar Roc'h (Ernault 1886, 1894, 1895, Flatrès 1985, Le Besco 1991, Lecocq 1991).

Le breton argotique familier est documenté dans des ouvrages plus récents comme Plourin (2000, 2003), et Kervella (2003). On commence aussi à trouver des traces d'un argot urbain émergent (Leon & Roue 2006), avec des éléments de "gintueg" (verlan). Pour dépasser le niveau anecdotique, il manque cependant d'études de fond sur la vitalité de ces variétés.


Morphologie

morphologie expressive

Le nom strak 'joint (de cannabis)' est une onomatopée de 'craquement sec' et un nom tabou à tout faire, qui sert à dénoter différents noms de dimension taboue, de la drogue au sexe. Menard (1995) donne strak, c'hoari strakoù 'coïter', strakeilhoù 'parties sexuelles de l'homme', strakell 'femme légère', strakenn 'putain', et strakouilhenn 'mauvaise femme'.


(2) Ma ! Mont a reomp da vutunat ur strak ?
Bon ! aller R faisons à1 fumer un joint
'Bon ! On va se fumer un pétard ?'
Standard, Kerrain (2015b:197)


À ne pas confondre

argot et thèmes tabous

Les thèmes tabous, érotiques ou scatologiques, favorisent l'usage de l'argot car l'expression du tabou est évidemment favorisé par une connivence entre locuteurs. Cependant, si ces thèmes peuvent éventuellement favoriser l'usage de l'argot, ils n'y sont pas intrinsèquement liés. Au contraire, on peut même voir des phénomènes de compensation ou des jeux de contrastes qui privilégient un niveau de langue élevé dans l'expression des tabous (cf. J'ai joué je ne sais où jeu d'une drôle sorte, les boules entrent dans le trou et la queue reste à la porte, Victor Hugo).

Dans les recueils d'expressions érotiques ou scatologiques en breton, on trouve ainsi des expressions de niveaux stylistiques très différents. On retiendra principalement le Glossaire cryptologique du breton de Ernault (1884-1902) édité dans Le Menn (1999), et le dictionnaire Alc'hwez Bras ar Baradoz Vihan de Menard (1995).

argot et tutoiement

Le passage à un niveau parlé argotique n'est pas toujours signalé en breton par le tutoiement, car l'usage des marques de seconde personne varie de dialecte en dialecte.

Bibliographie

  • Ernault, E. 1895. 'Études bretonnes, IX. Sur l'argot de La Roche (fin)', Revue Celtique XVI.
  • Ernault, E. 1894. 'Études bretonnes, IX. Sur l'argot de La Roche', Revue Celtique XV.
  • Ernault, E. 1886. 'Études bretonnes: I. L'individualisme dans le langage breton, II. Le breton et l'argot, III. Un cas de renforcement des consonnes, IV. Sur la chute des sons, u, w, v, f', Revue Celtique VII.
  • Ernault, Émile. 1884-1902. 'Glossaire cryptologique du breton', avec un additif et corrections et 2 suppléments, Kryptidia, vol. II, III, VI, VIII, texte.
  • Flatrès, Pierre. 1985. 'Lang Kouter (lankouta) - L'argot des tailleurs d'Elliant (Finistère)', La Bretagne Linguistique 1, CRBC.