Adjectifs monosyllabiques ou bisyllabiques devenus préfixes

De Arbres

Certains adjectifs qui apparaissent devant leur nom ont en fait fusionné avec ce nom. En particulier, les adjectifs monosyllabiques ou bisyllabiques grammaticalisent aisément en préfixes. Ce sont :

arall-; berr-; bihan-; boull-; bras-; brizh-; dister-; dreist-; drouk-; fall-/fals-; gouez-; gwall-; gwen-; gwir-; heñvel-; hir-; kamm-; kozh-; krak-; krenn-; kreñv-; izel-; nevez-; pell-; pounner-; reizh-; skañv-; tomm-; uhel-.


Tests qui révèlent un préfixe

La sémantique de ces composés est parfois compositionnelle, ce qui pourrait les laisser confondre avec des adjectifs antéposés. Il existe cependant différents arguments permettant de faire la différence entre un adjectif antéposé et un préfixe.


  • argument lexical

Certains adjectifs prénominaux n'ont pas de version post-nominale (* ul loen gwall). Postuler que ce sont des préfixes dérive ce fait.


(1) ur gwall loen
un mauvais animal
'un animal mauvais'
Standard, Kervella (1995:§513)


  • argument phonologique

Un adjectif indépendant prénominal et un préfixe peuvent ne pas être prononcés identiquement dans un dialecte donné. Le Dû (2012:45) distingue deux prononciations : l'intensifieur /koz/ (kozh-), et l'adjectif non-péjoratif prénominal /kóz/ (probablement adjectif indépendant).


  • argument morphologique

En (1), les morphèmes berr- ou hir- précèdent le morphème pad. Ce morphème pad, dans certains dialectes qui utilisent les noms padelezh ou paderezh, n'existe pas en isolation. Pour ces dialectes, c'est un argument définitoire qu'il s'agit là d'un préfixe. Dans les dialectes où pad est le nom dénotant la 'durée', l'argument ne tient pas.

(1) berr 'court' + /pad/ 'durée' => berrbad 'durée éphémère'

hir 'long' + /pad/ 'durée' => hirbad 'de longue durée'


  • arguments syntaxiques

Un adjectif comme brizh n'a pas d'emploi adverbial. Si on le trouve devant un verbe, alors c'est un préfixe. De même pour reizh dans reizhskrivañ.

(2) brizh marellañ, 'bigarrer vaguement', Favereau en ligne

Un préfixe ne pourra jamais être modifié ou coordonné.


  • argument sémantique

De manière générale, la grammaticalisation d'un adjectif en préfixe peut modifier le sens de cet adjectif. C'est le cas des préfixes kozh-, brizh- ou bras-.

Cet effet sémantique ne peut pas seul départager les adjectifs indépendants antéposés au nom et les préfixes, car l'antéposition d'un adjectif indépendant peut aussi modifier son interprétation sémantique, comme en français une grande intellectuelle vs. une intellectuelle grande.


Mutations

Les mutations provoquées par ces préfixes grammaticalisés d'adjectifs ne sont pas uniformes.


lénition

arallvro, bihandra, berrbad, gouezvaout, kammdro, krennbennek, gwengoad, fallgaloniñ, heñvelboan, hirbad, izelvor, pellgomz, pounnerglev, skañvbenn, uhelvor


note sur dister-, disterdra: Menard & Kadored (2001:'dister V') signale que l'antéposition de l'adjectif dister provoque la lénition des consonnes /k, t, p/ (un dister blijadur). Mais existe-t-il réellement un préfixe dister- (cf. un dister a blijadur)?

lénition sur GW, B, M

Sur une initiale /k/, il déclenche, par sandhi, un dévoisement.

lénition B > V


lénition GW > W

drouk- et dreist- semblent provoquer uniquement la mutation GW > W.

Avec drouk-, on voit apparaître une lénition dans l'exemple droukverzh, 'insuccès, revers' (Kervella 1947:§881), ou drougher, 'parole désagréable' (Trégorrois, Merser 2009).

Les consonnes /k, p/ ne sont pas mutées.

pas de mutation

  • bras- ne provoque pas de mutation sur sa racine (braskanna, '(pour la terre) durcir par la pluie'; brasprizoud, 'évaluer grossièrement', Merser 2009)
  • reizh-, ne provoque pas de lénition sur /p/ (reizhpoell).
  • tomm-: Kervella considère tomm- comme un préfixe. Il ne donne que tommheoliañ.