Adjectifs antéposés au nom

De Arbres

Dans une période antérieure de la langue bretonne, les adjectifs étaient tous typiquement placés devant leur nom (cf. entre autres, Fave 1998:115-6). En breton moderne, cependant, seuls quelques adjectifs prénominaux subsistent. On peut parfois se demander s'ils ne sont pas devenus des préfixes.


Inventaire des adjectifs antéposés au nom

Les adjectifs que l'on trouve antéposés au nom sont:

 les adjectifs numéraux cardinaux et ordinaux, les fractions comme hanter 
 les adjectifs ou noms évaluatifs comme kaezh, paour-kaezh, lastez-, c'hoant, gwashat...
 les mots tabous utilisés comme adjectifs maximisants comme Doue an deiz 'tout le jour', ur sapre den 
 les quantifieurs holl et nep
 leurs équivalents préfixés: hanter-, holl- et nep-
 les adjectifs adjectifs monosyllabiques ou bisyllabiques devenus préfixes: 
 arall-, berr-, bihan-, bras-, brizh-, dister-, don-, dreist-, droch-, drouk-, fall-/fals-, gouez-, gwen-, heñvel-, hir-, izel-, kamm-, kozh-, krak-, krenn-, lastez-, nevez-, pell-, pounner-, reizh-, skañv-, tomm-, uhel-


Les adjectifs comme diaoulek en (1) y sont très rares.


(1) Mes kerkent eun diaoulek mousc'hoarz skrijus a stenn d'ezan kigennou e javedou.
mais bientôt un diabol.ique sou.rire glaçant R1 étend à.lui chair.s son1 joue.s
'Mais bientôt un sourire diabolique glaçant lui étire la chair des joues.'
Standard, Riou (1923:2)

Morphologie

accentuation

Kervella (1947:§76) et Hemon (1975:§281), relèvent que certains adjectifs prénominaux fonctionnent comme des préfixes selon les règles de l'accentuation. En KLT, où l'accent tombe régulièrement sur l'avant-dernière syllabe, l'adjectif antéposé et son nom semblent former un même composé. Cela est vérifié pour tous les monosyllabiques.


(1) ur GWIR vab 'un vrai fils' [yr'gwi:rva:p] Hemon (1995:§281)
ur GWIR vab 'un vrai fils' [ür 'gwi : rvab] Dirinon, Kervella (1947:§76,k)
ur GWIR vab 'un vrai fils' Léonard (Cleder), Fave (1998:116)
ur GWALL zen 'un mauvais homme' [ür 'gwalzenn] Dirinon, Kervella (1947:§76,k)
ur C'HOZH ti 'une maison délâbrée' [ur ' côsti] Dirinon, Kervella (1947:§513)


Les fractions kard 'quart' et hanter 'moitié' ont le même comportement accentuel malgré que le second soit bisyllabique (un hanTER tro, 'un demi tour').


(2) un hanTER torzh 'une demi miche' nn ann'tértörz] Kervella (1947:§76,k)
eun hanTER-torz 'une demi miche' Léonard (Cleder), Fave (1998:116)
en hanTER ti 'dans la moitié de la maison' Léonard (Cleder), Fave (1998:116)
hanTER-tamm 'un demi-morceau' Léonard (Cleder), Fave (1998:116)
hanTER noz [(h)ann'térnoz] Kervella (1947:§76,k)
hanTERc'hoar 'demi-sœur' [hãn'tɛrxwar] Menard & Kadored (2001:'hanterc'hoar')
ur C'HARD lev 'un quart de lieue' [ür ' cardlêw] Kervella (1947:§76,k)


C'est aussi le cas de certains adjectifs numéraux cardinaux, dont l'article indéfini un, ul, ur, ainsi que du numéral ordinal eil, 'second' (Kervella 1947:§76,a) ou trede (Fave 1998:116).


(3) hanTER-kant demi-cent', 50 Léonard (Cleder), Fave 1998:116)
un hanTER kant nn (h)ann'térkannt] Kervella (1947:§76,k)
EUN ti, DAOU di, TRI di 'une deux, trois maisons' Léonard (Cleder), Fave (1998:116)
an treDE zon 'la troisème chanson' Léonard (Cleder), Fave (1998:116)


Kervella (1947:§76,k) oppose un hanTER kant, nn (h)ann'térkannt] et hanter-KANT, qu'il transcrit [(h)annter 'kannt] et Menard & Kadored (2001:'hanter-kant') [,hãntɛr'kãnt]. Kervella oppose aussi hanTER noz, [(h)ann'térnoz] et hanterNOZ, 'minuit', qu'il transcrit ['hannter 'no:z] et Menard & Kadored (2001:'hanternoz') [,hãntɛr'no:s].


L'adjectif antéposé paour-kaezh 'pauvre (cher)', lui, est accentué comme une unité accentuelle indépendante. Kervella (1947:§76,k) note aussi une indépendance accentuelle des noms pikol, pezh et mell.


(4) ar PaOur-kêz PaOtr 'le pauvre garçon' [ar ˌpokɛz 'po:tr] Plozévet, Goyat (2012:194)


mutation

de l'adjectif antéposé

Les adjectifs prénominaux ne subissent normalement pas eux-mêmes la lénition liée au genre du nom.

ur gwall vicher, e gwêll vicher, 'un mauvais métier', Tréguier (Plougrescant), Le Dû (2012a:38)
ur gwir garantez, 'un amour autenthique', Standard, Menard & Kadored (2001:'gwir')


Cependant, la mutation réduite K > C'H impacte l'initiale K.

ur c'hozh wrac'h, Menard & Kadored (2001:'kozh')
ur c'haezh vaouez, Menard & Kadored (2001:'kaezh1')


Il existe manifestement une variation dialectale : dans l'exemple de Gros ci-dessous, l'initiale K subit la lénition.


(1) Ema o turlutad aze gand eur goz souflez.
est à4 bricoler avec un 1vieux soufflet
'Il est là en train de s'amuser avec un vieux soufflet.'
Trégorrois, Gros (1984:484)

du nom après lui

lénition

Selon Le Bayon (1878:11), la lénition s'applique sur tout nom qui suit l'adjectif antéposé. La lénition apparaît sur les adjectifs du breton moderne berr-, fall-, gwir-, hir-, pell- krenn- et nevez- (Favereau 1997:§331). On peut rajouter brizh-, gwall- et kozh-.


(2) ur gwir vab 'un vrai fils' Kervella (1947:§76)
ar gwir gristen 'le vrai chrétien' Favereau (1997:§331)
ur gwir garantez 'un amour autenthique' Menard & Kadored (2001:'gwir')
ur c'hozh varc'h 'un canasson' Menard & Kadored (2001:'kozh')
ur c'hozh wrac'h 'une vieille sorcière' Menard & Kadored (2001:'kozh')
ur brizh Vreizhad 'un demi-breton' (péjoratif) Menard & Kadored (2001:'brizh')
lavaret hir bedennoù 'dire de longues prières' Menard & Kadored (2001:'hir')
dre hir basianted 'à force de longue patience' Menard & Kadored (2001:'hir')
dre hir c'hortoz 'en attendant longtemps' Menard & Kadored (2001:'hir')


Favereau 1997:§330) note justement que la lénition est aussi la marque des composés venant de l'ancien breton où l'adjectif était canoniquement placé avant le nom (berrweled 'myopie', tenvalgleved 'malentendant', dourgi 'loutre', karrdi 'garage', marvor 'morte-eau', morgevnid 'araignées de mer'...). Il est possible qu'en breton moderne, certains des morphèmes adjectivaux devant les noms soient en réalité des préfixes adjectivaux intégrés à ce nom. Selon Kervella (1947:§878), dans krennbaotr, l'adjectif krenn a grammaticalisé en un préfixe krenn-. Favereau 1997:§331), lui, compte krenn dans les adjectifs antéposés au nom, mais signale qu'il s'agit toujours de noms composés.


mutations incomplètes

Favereau (1997:§331) pointe que hanter déclenche une lénition sur K, T, P et M, mais plus irrégulièrement sur B, D, G, GW. La carte 138 de l'ALBB montre qu'une autre mutation est disponible en haut-vannetais qui montre la forme spirantisée hanter-c'hant, 50 sur le haut-vannetais.

Selon Favereau (1997:§331) l'adjectif nevez-, 'nouveau', ne provoque de lénition, hors du Léon, que sur les occlusives sourdes K, T, P. Selon Helias (1986:15), seule l'initiale B est touchée par la lénition.

Les adjectifs dister-, 'moindre, sans importance' et berr-, 'court' provoquent la lénition sur les occlusives sourdes K, T, P.

(2) un dister ger, an dister dra, Menard & Kadored (2001:'dister V')

'un moindre mot', 'la moindre chose'
Istor Breizh displeget e berr gerioù. Dihunamb (1941:280), cité dans Le Gléau (1983-1994:'1. peu')
e berr gerioù, Menard & Kadored (2001:'berr')


Il existe de la variation sur la mutation provoquée par l'adjectif berr-.


(3) e berr gomzoù Kervella (1947:§513)
e berr gomzoù Menard & Kadored (2001:'berr')
e berr komzoù Breton pré-moderne (1867), BUE:115, cité dans Le Gléau (1983-1994:'1. peu')


influence de la finale

En KLT, les adjectifs avec une finale en /Z/ comme kozh- ou brizh- ne déclenchent pas la mutation sur les initiales K, T, P, D.


(4) ur brizh kristen 'un mauvais chrétien' Menard & Kadored (2001:'brizh')
ur c'hozh ti 'une bicoque' Kervella (1947:§513)
kozh parkeier 'des prés minables' Kervella (1947:§513)
ur brizh deskadurezh 'une prétention d'éducation' Menard & Kadored (2001:'brizh')


Après kaezh, la lénition s'applique sur les initiales B et M des noms féminins singuliers et masculins pluriels de personnes (ur c'haezh vaouez, ar c'haezh verzherien, Menard & Kadored 2001:§'kaezh1').

Syntaxe

les numéraux cardinaux et ordinaux

Les adjectifs numéraux cardinaux et ordinaux sont toujours placés devant le nom.

Le cas des numéraux composés est plus complexe, car l'unité précède le nom qui précède les dizaines et centaines (pemp kazh war-ugent '25 chats').

les adjectifs au comparatif de supériorité

(1) Kalz tanavo'h bezhin int.
beaucoup fin.plus algues sont
'Ce sont des algues beaucoup plus fines'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:25)


les adjectifs de mesure

Les adjectifs de mesure sont toujours placés devant le nom.


(2) E pad pell amzer e veze kontet kement-mañ: ar vro-se zo paour.
pendant long temps R4 était cont.é ceci le 1pays. est pauvre
'On racontait ceci depuis longtemps : ce pays était pauvre.'
Standard, Menard & Kadored (2001kement-mañ)


(3) Ul labour àr hir dermen an hani eo.
un travail sur long 1terme le celui est
'C'est un travail sur le long terme, de longue haleine.'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:59)

les adjectifs évaluatifs

L'adjectif kaezh est hypocoristique et non péjoratif. L'adjectif paour-kaezh /pauvre-cher/, 'pauvre' est péjoratif et minorant, même s'il peut être aussi exprimé avec une nuance affective hypocoristique. Dans tous les dialectes, il peut se placer devant le nom (cf. carte 511 de l'ALBB).


(1) Boneur vat deoc'h, ma c'heiz tud !
chance 1bonne à.vous mon2 cher gens
'Bonne chance à vous, mes chers amis !'
Vannetais, Ar Meliner (2009:107)


  • kaih voès, er gaih vam
'pauvre femme, la pauvre mère'
Vannetais, Le Bayon (1878:11)


  • [ar ˌpokɛz 'po:tr]
ar paour-kêz paotr
'le pauvre garçon'
Plozévet, Goyat (2012:194)


Le reste des adjectifs prénominaux évaluatifs sont péjoratifs de façon inhérente.


(2) Sell gwasad pez toull a zo em loer.
regarde pire.! morceau trou R1 est en.mon2 chaussette
'Regarde quel grand trou il y a dans mon bas.'
Helias (1986:'toull')


(3) En em gavout a reas en ul lastez kêrig vihan.

'Il se retrouva dans un vilain petit bourg.'
Standard, Menard & Kadored (2001:'lastez')


(4) ul lastez mezh

'une vilaine honte' Standard, Favereau (1997:§238)
un 'as'ez karr
'une vulgaire charette'
Trégor, Favereau (1997:§238)


Certains adjectifs prénominaux, comme kozh- ou brizh-, ont un sens nettement péjoratif. Si on compare avec le sens de l'adjectif après le nom, on voit que la teneur évaluative pourrait être dûe au processus de grammaticalisation en préfixe.


(5) Ur wetur vrav met bihan, ya, ur c'hoant hini.
un 1voiture 1beau mais petit oui un envie celle
'une belle voiture, mais petite, oui, une micro-voiture.'
Trégorrois (Perros-Guirec), Konan (2017:'c'hoant')

morphème libre ou préfixe ?

Une question ardue est celle de l'identité syntaxique des adjectifs qui apparaissent antéposés à un nom. S'agit-il de morphèmes liés où de préfixes ?


cas clairs de préfixes

Il est certain qu'il existe des adjectifs monosyllabiques ou bisyllabiques devenus préfixes. Les morphèmes berr-, hir- ou holl- en (1) précèdent une racine /pad/ qui n'existe pas en isolation.

(1) berr 'court' + /pad/ 'durée' => berrbad, 'durée éphémère'

hir 'long' + /pad/ 'durée' => hirbad, 'de longue durée'
holl 'tout' + /pad/ 'durée' => hollbad, 'éternel'


Un adjectif comme brizh n'a pas d'emploi adverbial. Si on trouve brizh(-) devant un verbe, alors il s'agit du préfixe brizh-.

(2) brizh marellañ 'bigarrer vaguement', Favereau en ligne


Sur ce site, sont recensés les préfixes adjectivaux suivants:

 arall-, berr-, bihan-, bras-, brizh-, dister-, dreist-, drouk-, fall-/fals-, gouez-, gwen-, heñvel-, hir-, kamm-, kozh-, krak-, krenn-, izel-, lastez-, nevez-, pell-, pounner-, reizh-, skañv-, tomm-, uhel-.

plausibles duos, devenus préfixes ou non

Il est plausible qu'un adjectif donné puisse être ou antéposé au nom comme morphème libre, ou également grammaticalisé comme préfixe. Le Dû (2012:45) distingue en trégorrois deux prononciations distinctes pour l'adjectif kozh devant un nom: l'intensifieur /koz/ et l'adjectif non-péjoratif prénominal /kóz/.


Dans le cas de hanter, 'demi/semi', il est plausible qu'il ne s'agit pas d'un composé morphologique quand il ne provoque pas de mutation, et qu'il s'agisse du préfixe hanter- quand il provoque une lénition sur le mot qui le suit.

le cas de boutegig

Martin (1929:177) donne l'expression cornouaillaise eur boutegig den 'un homme court et trapu comme une hotte'. L'adjectif prénominal boutegig présente un chemin de grammaticalisation original (bout e gig).

Sémantique

modificateurs de degré ou de quantité

Sémantiquement, les adjectifs prénominaux ont en commun de modifier la quantité ou le degré de propriété du nom qui les suit.

Les adjectifs prénominaux semblent être uniformément des modificateurs de degré. Certains, comme hanter-, 'moitié', sont des mesures quantifiables. D'autres, comme kozh-, brizh-, etc. ne sont pas quantifiables. Ils minorisent le degré des propriétés du nom ('du à.peine-breton', 'une presque-maison', 'une mi-réussite').


quantification post-nominale

Si la généralisation semble être que les adjectifs qui ont diachroniquement résisté en position pré-nominale sont les adjectifs de quantification ou de mesure, cela ne signifie pas pour autant que la quantification soit réservée à la zone prénominale.

Un adverbe comme e-leizh peut par exemple quantifier sur un nom qu'il suit.


(3) Dour e-leizh a oa kouezhet e-pad ar goañvezh-se.
eau beaucoup R y.avait tomb.é pendant le hiver.n.ée.
'Il avait beaucoup plu cet hiver-là.'
Standard, Kervella (1995:§500)


Diachronie

Les adjectifs sont canoniquement placés après le nom en moyen breton, mais les adjectifs antéposés au nom n'y semblent pas plus rares qu'en breton contemporain (Hemon 1975:§47). Leur liste ressemble aux adjectifs antéposables en breton contemporain.

En moyen breton vannetais, dans les Noueloù Gwened de la fin du XVI°, Hemon (1956:xlv) relève ainsi l. 78 er guir profet 'le vrai prophète', l. 1428 faux ambition 'fausse ambition' et l. 485 er fal peuidion 'les mauvais riches', l. 388 d-un noblë Roue 'à notre noble roi', l. 1950 clouar Map mari 'le doux fils de Marie', l. 90 er glan Guirhies 'la pure Vierge', l. 763. er meschant danet uzurer 'le méchant usurier damné', l. 217 ur coh marchaussi 'une vieille étable', l. 782 er peur iniouat 'le pauvre orphelin', l. 319 en ber amser 'en peu de temps'.

Le Berre (2009:18) remarque des adjectifs antéposés dans le Stabat Mater de Guéguen de 1622: an goar Mary 'la douce Marie' (v. 14), he quer map 'son fils chéri' (v. 30), clouar pardon 'doux pardon' (v. 52). Il considère cependant qu'en moyen breton, "l'antéposition du qualificatif n'est aussi fréquente que dans ce texte ; il semble s'agir de calques du latin pia mater, dulcem natum, comme le sont les calques de l'anglo-américain dans le français contemporain : unique spectacle, etc. L'inversion de l'ordre substantif-qualificatif, qui crée une surprise et donne de l'emphase à l'expression, est donc plutôt d'ordre rhétorique ou stylistique."


L'hypothèse d'une stratégie d'emphase par emprunt roman est soutenue pour le relevé de Hemon (1956:xlv) faux ambition/er fal peuidion, avec un emprunt au moyen français. Cependant, une telle stratégie d'emprunt n'est pas automatiquement disponible dans les langues. Elle serait par exemple agrammaticale en breton contemporain, malgré les adjectifs antéposables en français (un grand homme, mais pas * ur bras den ou un intelligent rapport mais pas * ur speredek rentañ-kont). L'hypothèse d'un emprunt ne rend pas compte du fait que les adjectifs antéposés sont toujours courts, ni que ce sont globalement les mêmes qu'en breton contemporain.

Dans les textes en rimes, l'antéposition peut être due au système des rimes internes (Hemon 1975:§47, n1).

Au vu des noms de lieux en Bretagne comme Cosquer, Ar Gozhkêr, l'adjectif antéposé n'est pas nouveau dans les états anciens de la langue. Les adjectifs antéposés semblent aussi plus libéraux si on remonte au vieux gallois, très proche du vieux breton.


 Falileyev (2008:65)
 "A la différence des documents moyen-gallois, dans lesquels l'adjectif suit dans la majorité des cas le nom auquel il se rapporte, dans les textes vieux gallois l'adjectif se rencontre aussi bien en postposition qu'en antéposition. On peut citer les gloses : creaticaul plant gl. genialis praeda Ovid 38b (préposition) et fistl gablau gl. fistula [si]bilatrix MC 62b.a. (postposition).[en note: K. Lemmen (2006:11) cite cinq exemples de gloses de ce codex suivant ce même ordre des mots, et un seul (fistl gablau) suivant l'ordre attendu.] 
 Dans les textes suivis la postposition de l'adjectif est plus régulière ; voir la désignation de la case vide dans le Comput – ir loc guac Comp 6, 8, 17 ; irloc guac Comp 14 ; irloc quac Comp 9. On rencontre cependant également dans les textes suivis des cas d'adjectifs antéposés au nom auquel ils se rapportent, irmaur nimer (MP 22b) 'le grand nombre'.
 
 Reférences:
 Ovid. gloses en vieux-gallois figurant sur l'Ars amatoria d'Ovide se trouvent également dans le manuscrit Bodleian MS. Auct. F. 4. 32, fol. 37a-42a, habituellement daté des IXème-Xème siècles.
 MC. gloses du Mariage de Philologie et de Mercure (De nuptiis Philologiae et Mercurrii) de Martien Capella sont connues par le manuscrit du Corpus Christi College (Cambridge MS 153), daté du IXème siècle (Jackson 1953:53). Elles ont été éditées par W. Stokes (1873).
 Comp. Fragment de Comput (Cambridge University Library MS Add. 4543) et daté par Williams de l'an 920. C'est aussi Williams qui l'a édité en 1927.
 MP. gloses en vieux-gallois contenues dans le De Mensuris et Ponderibus (Liber Commonei, Oxoniensis Prior, Bodleian MS. Auct. F. 4. 32), du début du IXème siècle (voir les détails sur ce texte Falileyev (2008:chap 3).
 Lemmen K. 2006. The Old Welsh glosses in Martianus Capella revised and rearranged with newly found glosses (mémoire de maîtrise inédite). Leyden."


À ne pas confondre

tout adjectif après ken ou re

Des adjectifs qualificatifs comme bras, 'grand', sont canoniquement post-nominaux. Les adjectifs comme bras ne sont pas à proprement parler des adjectifs prénominaux: ils ne peuvent pas être antéposés seuls au nom (* ur bras bag).

C'est uniquement s'ils sont modifiés par des focalisateurs comme les adverbes de quantité ken, ker, kel, 'tant, tellement' et re, 'trop', qu'on peut les trouver en zone prénominale.


(4) Biskoazh n'he doa Naig gwelet ken bras bag.
jamais ne 3SGF avait Naig v.u tellement grand bateau
'Naig n'avait jamais vu d'aussi grand bateau.'
Cornouaillais (bigouden), Bijer (2007:392)
cité dans Rezac (2009)


(5) Re vras labour a oa evit un den.
trop1 grand travail R était pour un personne
'C'était trop de travail pour une seule personne.'
Menard & Kadored (2001:'re1')


les noms pezh, espes, mell et pikol

Les quatre noms pezh 'morceau', espes 'espèce (de)' et mell, pikol 'énorme' et leurs dérivés comme mellad 'monumental' et pezhiad 'contenu d'un gros morceau' sont souvent cités comme des exemples d'adjectifs prénominaux. Cependant, comme souligné par Kervella (1995:§512) repris par Trépos (2001:§228), il s'agit non pas d'adjectifs mais de noms, comme le montrent leurs marques de pluriel typiquement nominales pezhioù, mell, pikolioù, pezhiad, mellad.


(2) Mell glavennoù dibaot en em flastras war groc'hen ar paotr yaouank evel drajoù.
grosse.s pluie.SG.s isolé se1 écrasa sur1 peau le gars jeune comme dragée.s
'De grosses gouttes isolées s'écrasèrent sur la peau du jeune homme comme des dragées.'
Y. Drezen
cité dans Kervella (1995:§512)


Erwan Evenou (FeB 04/2019), expert du breton de Lanvénégen, ajoute que pour ces noms, l'accentuation diffère aussi des adjectifs prénominaux (ur C'HOZH ti 'une vieille maison', mais ur mell TI 'une grande maison').

Le Gall (1958) relève à L'Hôpital-Camfrout un autre nom utilisé de la même façon, tresad '(personne) d'allure bizarre' (Piou eo an tresad a zo deut aman ? Eun tresad den, eun tresad maouez).

Terminologie

Le terme adjectif antéposé correspond au breton anv-gwan raklakaet.