-vezh

De Arbres

Le suffixe -vezh forme des noms abstraits qui dénotent prototypiquement une durée de temps (deiz 'jour' > devezh 'journée').


(1) Goudese n'en doa ket gwraet 'med ambren a-hed an dewezh.
après.ça ne1 R.3SGM avait pas fa.it sauf râler à-long le journ.ée
'Après cela, il n'avait pas arrêté de râler contre lui-même toute la journée.'
Cornouaillais, Plourin (2000:28)


(2) Daoust da-ze eo red d'eur bloavezh tremen.
malgré de-ça est obligé à un ann.ée passer
'À cause de cela, il faut attendre qu'une année passe.'
Léonard, (Cléder), Seite (1998:54)


Morphologie

composé

Le suffixe -vezh se trouve surtout sur une base nominale. Kervella (1947:§829) cite aussi goude > a-c'houdevezh, avec comme base une préposition de temps.

L'exemple en (3) montre que le suffixe -vezh n'est pas disponible pour les racines verbales car il n'est pas interprétable avec la racine ev- du verbe evañ 'boire': evezh ne peut pas signifier 'durée de l'action de boire'. Le nom evezh 'soin', lui, ne comporte pas le suffixe -vezh et ne dénote pas la durée.


(3) E-barzh an evezh, emañ an devezh.
dans le soin est le jour.née
'Travail bien fait, bonne journée.'
Proverbe, Abalain (2001:33)


dérivation

Après le suffixe -vezh, on peut trouver le suffixe -iad marquant la quantité (Kervella 1947:§829).

(4) ur sadornvezhiad glav

'la pluie de (tout) un samedi'
Standard, Kervella (1947:§829)


pluriel

Le pluriel des mots en -vezh est toujours en -ioù (Kervella 1947:§829).


genre

Le suffixe -vezh ne modifie pas le genre de sa racine (Kervella 1947:§829, Trépos 1968:§129, Press 1986:63). C'est un signe d'endocentricité.

Hemon (1975a:§20, n1) note cependant une tendance en Léon à interpréter les noms en -vezh comme féminins (eur vintinvez 'un matin', Breton fin XIXe, MGZ. p. 121).


variation dialectale

Helias (1986:13) note une finale en -eh en vannetais. Il ajoute que le suffixe de durée de temps est parfois -iad.

Selon Martin (1929:175), à la forme léonarde zulvez, nozvez correspond la forme vannetaise sulieh, nozeh, et la forme cornouaillaise (Scaër, Guiscriff, Gourin) zulias, nozas, 'un dimanche, une nuit'.


Sémantique

Le suffixe -vezh correspond assez bien sémantiquement au suffixe équivalent -ée en français (un jour vs. une journée; un an vs. une année). Le suffixe -vezh dénote une notion de durée. Cependant, cette notion est parfois difficile à contraster avec une notion d'ancrage temporel simple.


(1) War-dro dek eur, ar mintinvezh-se, e tegouezhas du-mañ va moereb Mai-Louj ar Rannoù.
vers dix heure le matin.ée. R4 arriva chez.moi mon2 tante Mai-Louj ar Rannoù
'Vers dix heures, ce matin-là, ma tante Mai-Louj ar Rannoù arriva chez moi.'
Cornouaillais (Pleyben), ar Gow (1999:15)


(2) Koulskoude, ur merc'hervezh, e oan bet e Landi asambles gant va mamm.
cependant un mercredi R1 étais été en Landi ensemble avec mon2 mère
'Cependant, un mercredi, j'étais allé à Landi avec ma mère.'
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:26)


variation dialectale

Il existe aussi, à travers les dialectes, des usages qui contournent cette notion de durée attachée au suffixe -vezh. L'adverbe a-c'houde 'depuis' du vannetais se trouve sous la forme a-c'houdevezh en Léon et Trégor, sans différence sémantique notable.


-vezh sans durée

Bouzeg (1986:28) signale une irrégularité en cornouaillais, où devezh peut ne pas référer à une durée.


(3) Peseurt devezh 'maomp ?
quelle.sorte jour sommes
'Quel jour sommes-nous ?'
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:28)


durée sans -vezh

Il existe aussi de multiples exemples de mots dénotant des durées sans que le morphème -vezh n'apparaisse. La plupart du temps, un autre élément, prépositionnel ou nominal, amène la notion de durée. Cependant, on trouve aussi des exemples isolés.


(4) A-benn ma'z-po joget an tamm bara-ze e chomi div eur ez kourvez.
quand que4 R.2SG aura froiss.é le morceau pain.ci R4 resteras deux heure en.ton3 allongé
'Quand tu auras mangé ce morceau de pain là, tu pourras rester deux heures couché.'
Trégorrois, Gros (1989:'joga')


(5) / e-korf di de:r øyr /
e-korf div pe deir eur
dans-corps deux1 ou1 trois heure
'dans l'espace de deux ou trois heures'
Vannetais (Groix), Ternes (1970:321)


(6) 'N dreu-s ' oa pad't duran' teir eur.
le 1chose. R était dur.é durant trois heure
'Ça a duré trois heures.'
Cornouaillais (Clohars-Carnoët), Bouzec & al. (2017:123)


(7) Hemañ zo darev da chom da ruzañ e-pad an deiz !
celui-ci R1 est mûr de1 rester à1 trainer pendant le jour
'Comme il est parti, il ne fera que trainer de toute la journée !'
Gourmelon (2014:40)


(8) D'ar mareoù-mañ deus ar bloaz n'eo ket dleet kaout erc'h ken.
à le moment.s.ci de le an ne1 est pas avoir neige plus
'Il ne devrait plus y avoir de neige en cette saison.'
Standard, Keit Vimp Bev (1987:4)


(9) Ragaïn mis Genver, ' vez lipet ba un eur.
regain mois janvier R est mang.é dans un heure
'La repousse d'herbe de janvier est mangée en une heure.'
Cornouaillais, Plourin (2000:164)


-vezh vs. -ad, -iad

La durée peut aussi alternativement être réalisée par usage du suffixe -ad, -iad.

A Cléguérec en Morbihan, Thibault (1914:6) donne / miját / 'durée d'un mois'.


(1) Pa goumañsemp deviñ bezhin, e veze great ur sizhuniad deviñ bezhin !
quand1 commencions brûler goémon R était fa.it un semain.ée brûler goémon
'Quand nous commencions à brûler, nous le faisions pendant une semaine complète.'
Léonard (Plougerneau), Elégoët (1982:43)

Horizon comparatif

L'équivalent français du suffixe -vezh breton est le suffixe -ée qui a cependant une distribution beaucoup plus restreinte. Le suffixe -ada en occitan est plus productif.


  • ora 'heure', orada 'heurée'
jorn 'jour', jornada 'journée'
setmana 'semaine', setmanada '#semainée',
mes 'mois', mesada '#moisée'
an 'an', annada 'année'
matin 'matin', matinada 'matinée', Occitan, Bras (2008)

À ne pas confondre

Trépos (2001:78) note que certains noms abstraits en /-vez/ ne marquent pas la durée. Il donne glasvez 'verdure, pâturage'.


(1) ar skourrou o hlazvezi
le branche.s à4 verdure.-ir
'les branches qui verdissent'
Léonard (Plouzane) , Briant-Cadiou (1998:37)


Goyat (2012:327) signale aussi le cas de /'finvɛz/, finvez, 'misère extrême pouvant causer la mort' (< sur fin, 'fin'). Il s'agit d'un autre suffixe entièrement.

Bibliographie

  • Bras, Myriam. 2008. Entre Relations Temporelles et Relations de Discours, Mémoire d'HDR. texte.