-erezh, -ereah, -ourezh
La finale -erezh forme des noms abstraits, souvent une activité, une action.
(1) | Berraad a raont | o zennerezh. | ||||||
court.-ir R font | leur2 tir.activité | |||||||
'Ils raccourcissent leurs tirs.' | Vannetais, Herrieu (1994:35) |
Trépos (2001:77) donne mederez, 'moisson' et nijerez, 'aviation'.
Favereau (1997:§164) donne al labourerezh-douar, 'l'agriculture (métier)', ar boloñjerezh, 'la boulangerie'.
Le Bayon (1878:13) donne dornereah, 'action de battre', strakereah, 'action d'éclabousser', guernereah, 'action de mâter', huennereah, 'action de sarcler', teskereah, 'action de glaner'.
Le Roux (1915:68) cite Vallée et donne alouberez 'conquête, action de conquérir en général', rederez 'la course, l'exercice de la course', nijerez 'aviation'
Morphologie
Favereau (1997:§164) donne la forme ['è:rəz/s] pour le KLT, ['ə:rèz/s] en Pélem. Goyat (2012:323), à Plozevet, relève la forme /-e:rɛz/.
Pour le vannetais, Le Bayon (1878:13) orthographie ce suffixe en -ereah. Favereau (1997:§164) donne la transcription ['ə:rèh/X].
La finale -ourezh forme aussi des noms abstraits. Elle est plus rare et principalement illustrée par marc'hadourezh, 'marchandise'.
racine verbale
Les exemples relevés sont avec des racines verbales.
(1) | Tout | e vezont krevet | oc'h4 ober | bourjinerezh, | o4 klask gwelet piv eo ar c'hapaplañ. | |||||
tous | R sont crevés | à faire | bêtise | à chercher voir qui est le capable.le.plus | ||||||
'Tous se crèvent en faisant des bêtises à essayer de voir qui est le meilleur.' | Léon, | Mellouet & Pennec (2004:160) |
genre
Les noms d'activité en -erezh sont masculins (Le Bayon 1878:13, Merser 2011:13, Press 1986:62, Favereau 1997:§164).
- an dornerezh
- 'le battage'
Le Bayon (1878:13) et note l'exception magereah, 'action de nourrir' qui est féminin. Favereau (1997:§164) confirme l'exception magerezh, ar1 vagerezh, 'nourrissage'.
Selon le vannetais Le Bayon (1878:13), les noms qui ne sont pas des noms d'action, comme bossereah, 'boucherie' sont féminins.
(2) | ur boberezh | digor. | ||||||||
un boulangerie | ouvert | |||||||||
'une boulangerie ouverte' | Vannetais, | Ar Meliner (2009:64) |
Il peut aussi y avoir une certaine variation de genre entre dialectes. Favereau (1997:§164) donne ar pesketaerezh 'la pêche (halieutique)', alors que Gros (1984:364) donne ar1 besketaèrez 'la pêche'.
Favereau (1997:§189) signale une hésitation de genre dans marc'hadourezh, 'marchandise'. Marhadoureah, 'marchandise', est un nom féminin pour Le Bayon (1878:13).
Sémantique
variation dialectale
Favereau (1997:§164) signale qu'en vannetais et en Pélem, le suffixe -erezh est utilisé pour les actions collectives (le suffixe -adeg n'y est pas utilisé). Il donne c'hoarierezh kartoù, 'des parties de cartes'. Favereau (1997:§142) donne votadeg en standard vs. voterezh en vannetais, Est-cornouaille et Léon.
En vannetais, le suffixe -erezh peut en tout cas référer à une action individuelle.
(1) | ... | ne oa ket fin | d'he lârerezh. | |||
ne était pas fin | de'son2 parl.sfx | |||||
'...elle n'en finissait pas de parler.' | Vannetais, Ar Meliner (2009:31) |
Goyat (2012:323) ne signale à Plozevet qu'un seul suffixe en /-e:rɛz/, qui a pour lui une nuance collective. Il donne /far'se:rɛz/, farserez, 'farce', /ɡlwã'ne:rɛz/, gloanerez, 'lainage(s)' et /pes'ke:rɛz/, peskerez, 'produit de la pêche'.
-erezh vs. -adur, -adurezh
Le nom d'une action, aussi concrète soit-elle, n'est pas le résultat concret d'une action dont le nom se forme en -adur. Le Roux (1915:68) contraste ainsi meinadur 'partie empierrée de la route' et meinerez 'l'action d'empierrer considérée en elle-même'.
L'ajout à -adur du suffixe -ezh des noms abstraits obtient cependant alors un sens très voisin. Vallée (1980:XIX) note ainsi la proximité de -erezh et -adurezh.
(1) | kelennadur | '(une) instruction' | |||
kelennadurez | 'l'instruction' et, avec une majuscule, 'l'Instruction' | ||||
kelennerez | 'l'art, la pratique de l'instruction' | Vallée (1931:XIX) |
-erezh vs. -ø
Gros (1984:391) signale une préférence en breton trégorrois parlé, qui pourtant utilise ce suffixe, pour une suffixation à morphème zéro qui "fait plus concret".
(1) | Me, pa vezan | war ma gwri (/#gwrïèrez, #gwrïadenn) | ne vezan ket o klask si | en dud all. | ||
moi quand1 suis | sur1 mon2 coudre (#couture) | ne1 suis pas à4 chercher défaut | dans.le 1gens autre | |||
'Moi, quand je suis à ma couture, je ne suis pas en train de rechercher (quels sont) les défauts des autres.' | ||||||
Trégorrois, Gros (1984:391) |
Il utilise lui-même les deux stratégies.
(2) | Al labour(èrez)-douar | a zo | eur vicher stard. | ||||||
le travail.N-terre | R est | un1 métier difficile | |||||||
'L'agriculture est un dur métier.' | Trégorrois, Gros (1984:364,7) |
Diachronie
Selon Irslinger (2014:88), le suffixe -ereth remonte au moins au brittonique du Sud-Ouest.
Kersulec (2010:153) et Irslinger (2014:99) proposent la dérivation d'une composition ancienne du suffixe -er (< vieux breton -or) suivi du suffixe -ezh, f. (< proto-celtique *‑axtā).
A ne pas confondre
-erez vs. -erezh
Il existe aussi un suffixe en -erez, -ourez qui forme des noms d'agent féminins ou des noms de choses désignées par leur fonction.
Le genre peut parfois servir à différencier les deux affixes. Les suffixes de noms abstraits d'action sont masculins ou varient du masculin au féminin. Les noms d'agent ou d'objet sont uniformément féminins.
Il existe aussi une différence dans la voyelle du suffixe (/ɛ/ è vs. /e/ é), mais avec une variation dialectale.
Gros (1984:63-64) considère que le suffixe -erezh est prononcé avec la voyelle initiale plus ouverte (è). L'exemple montre aussi qu'il n'a pas de distinction de genrée sur ces suffixes.
(1) | Ar geginérez | a zo | war ar geginèrez. | ||||||
le cuisin.-ière | R est | sur le cuisin.N. | |||||||
'La cuisinière est en train de faire la cuisine.' | Trégorrois, Gros (1984:364) |
Helias (1986:13) note aussi une distinction de voyelle, mais pour lui c'est à l'inverse la voyelle ouverte /ɛ/ qui est associée au nom d'action. Le nom abstrait pour 'moisson, temps de la moisson' est noté mèdèrez, ou en vannetais medèrèh, alors que le nom pour 'moissonneuse, femme ou machine', est noté medéréz. La voyelle fermée /e/ est associée au nom de machine dans Bouzec & al. (2017:236) qui donne dornérez, confirmé par Helias (1986:'dornéréz') 'femme ou machine'.
(2) | Diwaétoc'h, | deut | dornérez péz bi'n | da den o labour | gan 'dud. | Haut-cornouaillais | ||
Diwezhatoc'h, | deuet an | dornerez pizh-bihan | da dennañ o labour | digant an dud. | Équivalent standardisé | |||
tard.plus | venu (le) | batt.euse pois-petit | pour1 retirer leur2 travail | avec (le)1 gens | ||||
'Plus tard, l'arrivée de la batteuse nous a retiré notre travail.' | Bouzec & al. (2017:236) |
Bibliographie
- Kersulec, P-Y. 2011. 'Le genre des noms bretons en -erezh en question : éléments d'analyse sémantique', Klask 10, CRBC Rennes-2, 157-227.
- Kersulec, P-Y. 2011. 'Les noms en –erezh à référence collective : esquisse de classement', Nelly Blanchard, Ronan Calvez, Yves Le Berre, Daniel Le Bris, Jean Le Dû, Mannaig Thomas (dir.), La Bretagne Linguistique 15, CRBC.
- Kersulec, P-Y. 2010. Étude morphologique des noms en -erezh en breton moderne. Morphologie et grammaire, manuscrit de thèse université Rennes II. pdf