-er, -our

De Arbres

Le suffixe nominalisant -er ou -our est un suffixe qui obtient un agent, surtout pour la formation des noms de métier ou de fonction.


(1) ar blenier, lorc'hus ha reut a-walc'h an tamm anezhañ.
le conducteur orgueill.eux et raide assez le morceau P.lui
'le conducteur, fier et raide'., Trégorrois (Kaouenneg)/Standard, ar Barzhig (1976:57)


Trépos (2001:76) donne eoster 'moissonneur', kemener 'tailleur', miliner 'meunier', et pour le vannetais (p.78) barnour 'juge', marhadour 'marchand'.


Morphologie

La carte 372 de l'ALBB documente la variation dialectale de la réalisation morphologique du suffixe -er pour la traduction de 'tailleur'. La voyelle change dans un spectre allant de /ə/ à /i/, mais on ne relève pas de formes en -our.


-er vs. -our vs. -aer

allomorphes -er vs. -our

Les noms d'agent en -er, -our forment leur pluriel en -ien ou -ion, ce qui donne les finales en -erien, -erion, -ourien et -ourion.

Le pluriel révèle la valeur d'allomorphe de -er, -our, car pour un même locuteur, sa valeur peut varier selon que le pluriel apparaît ou pas.


Helias (1986:13) donne tavarn, 'auberge' et tavarnour, 'aubergiste'. Il note que le suffixe -our alterne avec -er et "est surtout vannetais". Merser (2009) ajoute que "le Vannetais préfère les mots en -our, mais le pluriel reste en -erion". Il donne:

eur Gwenedour, 'un Vannetais' / Gwenederion, 'des Vannetais'
gwentour, 'vanneur' / gwenterion, 'des vanneurs'


allomorphe en -aer

Le suffixe -er semble pouvoir aussi se trouver sous la forme -aer.

Kervella (1947:§833) donne skolaer 'enseignant' et gwenaer 'veneur', qui ne sont pas aisément réductibles à la suffixation verbale en -a.

Ces allomorphes peuvent aussi parfois marquer une différence sémantique ou dialectale.


variation sémantique

Selon Vallée (1980:XVII), la forme -our est "plus celtique", et est préférée pour la formation de "noms d'agents supérieurs, d'hommes de science". Kervella (1947:§833) le suit et compare kaner, 'personne qui chante' à kanour, 'artiste chanteur', et liorzher, 'personne qui travaille dans les jardins' à liorzhour, 'paysagiste'.

Dans ce cas, c'est la sociologie de la langue qui crée des variations sémantiques sur deux allomorphes grammaticalement équivalents.


variation dialectale

La différence sémantique potentielle entre -er et -our croise une différence dialectale ertaine. La carte 523 de l'ALBB donne la traduction de pêcheur, et montre la forme pesketour présente dans toute la moitié Sud de l'aire parlante. La forme pesket(a)er, elle est présente dans toute l'aire Nord, mais aussi en Cornouaille qui présente donc les deux formes.

Les formes -er et -our coexistent chez Le Bayon (1878:13), qui donne magér, 'nourricier', dornér, 'batteur', toér, 'couvreur', kouskér, 'dormer' et kan̄our, 'chanteur', malour, 'meunier', tokour, 'chapelier'. Les traductions qu'il donne pourraient refléter la différence sémantique pointée par Vallée et Kervella.


Selon Goyat (2012:320) à Plozevet, /-ur/ et /-ɛr/ sont en variantes libres "dans certains cas".


genre

Les suffixes en -er, -our sont masculins.

Une suffixation additionnelle en -ez obtient un nom féminin (Kervella 1947:§833). Les noms féminins ont un pluriel en -ezed (Kervella 1947:§833).

composition

On retrouve le suffixe -er dans les finales en -erezh et -erell, qui montre un allomorphe en composition en -or (-orell).

On retrouve aussi le suffixe -er, -our dans les finales en -aer, -aour composées sur le suffixe verbal -a.

Sémantique

nom d'agent

La sémantique du suffixe excède les noms de métier, et s'étend à tous les agents.


(3) Damverzout a ra bremañ ar c’housker furmoù all, maouezed peuzziwiskoc’h an eil re eget ar re all.
semi.remarquer R fait maintenant le dormeur formes autre femmes presque.déshabillé.plus le second que le ceux autre
'Le rêveur commence à remarquer d'autres formes, des femmes presque plus dénudées les unes que les autres.'
Standard, Drezen (1990:12)


-er, -our vs. -ad, -iad

Vallée (1980:XVII) note que la différence sémantique entre le suffixe -er, -our et le suffixe -ad, -iad "distingue les sens actif et passif". Il compare:


(1) donezoner, donezonour, 'donateur' et donezoniad, 'donataire'

dilezer, dilezour, 'cédant' et dileziad, cessionnaire'


Kervella (1947:§831) le suit. Il oppose prizonier, 'personne qui fait de la prison' et prizoniad, 'personne détenue, incarcérée'.


-er vs. -ant

Le Roux (1915:82) note une concurrence entre les suffixes -ant et -er dans 'errant', baleant (Jaffrennou 1914) et baleer (La Vill.).


-er vs. -ard

Le Roux (1915:82) note une concurrence entre les suffixes -er et -ard dans 'grognard', skragnard (Jaffrennou 1914) et skragner (La Vill.).


nom d'inanimé

Le suffixe -er peut se trouver sur quelques inanimés désignés par leur fonction. Vallée (1980:XXII) donne plad-gwelc'her 'cuvette', et eur c'hoarz goapaer 'un rire moqueur'.


Diachronie et horizons comparatifs

Kersulec (2010:153) et Irslinger (2014:99) dérivent le suffixe -er du vieux breton -or.

Selon Kervella (1947:§833), certaines finales en -er viennent d'emprunts de noms français en -eur. Il cite malazer, trezher et keflusker. La possibilité de former des noms de choses en -er venant de cet emprunt donne la possibilité de référer à des inanimés, et des pluriels en -erioù (trezherioù). Le suffixe -eur du français peut aussi former les noms d'agent et les noms de machines effectuant une fonction, et il est donc probable qu'il ait au moins soutenu le -er breton.

Plusieurs suffixes latins ont donné en ancien français des suffixes de noms d'agent qui peuvent être une source possible d'emprunt.

  • Le suffixe -eur des noms d'agent, a des formes dialectales en -eeur et eour, dérivé du latin -atōrem (Bonnard & Régnier 1989:26). L'ancien français a reformé le féminin de ce suffixe en -erece, le dérivé du latin de -arĭcia.

Ce n'est qu'après la chute du -r et du -s final en ancien français qu'on aura buveuse, danseuse sur le modèle des adjectifs en -eus. Les formes antérieures sont des parallèles du breton -erez: chasseresse, chanteresse...

  • Le suffixe -er dérivé du latin -are (collare > coler) ou -arem (scolarem > escoler), et avec lequel le suffixe -ier dérivé de -arium a été confondu pour donner sanglier ou écolier. Bonnard & Régnier (1989:25) datent du XIII° la fusion définitive de ces suffixes dans l'ancien français -er.

Le Brigant (1779:29) rapproche la finale en -our du nom gour 'homme', ce qui est consistant avec la sémantique d'un nom d'agent, mais la dérivation de gour en -our est peu probable, et l'alternance dialectale en -er ne serait pas expliquée.

A ne pas confondre

Il existe un suffixe nominal en -or dont la variante Haute-cornouaillaise est -our.


Kervella (1947:§833) cite baper(-ioù) 'papier(s)' comme un mot qui n'a pas de suffixe en -er, car féminin. C'est vrai dans sa variété de breton, mais ce mot est noté comme masculin dans Favereau (1993).