-der, -ter
Le morphème -der, ou -ter, sert à former des noms abstraits à partir d'un adjectif.
(1) | eun | den | a | laboure | bepred | gant | kalz | a | veoder | |||||||||||
un | personne | R1 | travaillait | toujours | avec | beaucoup | de1 | vivac.ité | ||||||||||||
'un homme qui travaillait toujours avec beaucoup de vivacité' | ||||||||||||||||||||
Trégorrois, Urlo (1919) |
Trépos (2001:76) donne kaleter 'dureté', gwander 'infirmité' et sklerder 'clarté'.
Goyat (2012:321) donne donder 'profondeur', douster 'douceur' et ruder 'rougeur'.
Morphologie
allomorphe en -ter
L'allomorphe en -ter est obtenu par sandhi.
genre
Les noms dérivés en -der, -ter sont toujours masculins (Le Bayon 1878:14, Kervella 1947:§838, Trépos 1968:§129, Helias 1986:13...). Kervella (1947:§838) précise cependant que la "langue orale" (sic) fournit des exceptions. En trégorrois en (2), teoder est féminin.
(2) | En | deoder | d'ar | wezenn-mañ | e | oa | e | ziouharr. | ||||||||||
en.le | 1épais.sfx | de le | 1arbres.SG.ci | R | était | son1 | deux.jambe | |||||||||||
'Ses jambes étaient de l'épaisseur de cet arbre-ci.' | ||||||||||||||||||
Trégorrois, Gros (1984:360) |
Gros (1984:360) accepte ar bellder comme ar pellder, 'le loin (que c'est)'. Favereau (1997:§161) donne l'exception an1 dommder1 vras, 'la grande chaleur', confirmé dans Le Bozec.
(3) | Evid | kelou | ar pellder | ez | out | bet | er | gêr... | ||||||||||
pour | nouvelles | le loin.sfx | R+C | es | été | en.le | 1foyer | |||||||||||
'Pour le peu de temps que tu as été à la maison… ' | ||||||||||||||||||
Trégorrois, Gros (1984:360) |
(4) | N'he deus | ket | aon rak | an domder | re | vras. | ||||||||||||
ne1 a | pas | peur de | le 1chal.eur | trop1 | grand | |||||||||||||
'Elle n'a pas peur des grandes chaleurs.' | ||||||||||||||||||
Standard, Le Bozec (1933:52) |
Selon Merser (2011:13), les noms en -der qui sont féminins sont du dialecte du Léon. Pour Le Gonidec (1850:21), tous les noms en -der sont féminins. Il cite brasder 'grandeur', bihander 'petitesse', krizder 'crudité', gwender 'blancheur', ruzder 'rougeur', tomder 'chaleur' et téoder 'épaisseur', sans donner d'exemples de mutations.
nombre
Les noms dérivés en -der, -ter font leur pluriel en -où, -ioù (Kervella 1947:§838, Chalm 2008:W-214).
exocentricité
Le suffixe der, -ter est exocentrique: il s'affixe sur un adjectif et obtient un nom.
productivité
Gros (1984:360) considère que ce suffixe n'est plus productif en breton trégorrois.
variation dialectale
Selon Irslinger (2014:95), le suffixe –der,-ter forme des noms abstraits désadjectivaux dans les dialectes KLT du Nord, mais en vannetais, c'est le suffixe -ded, -ted, féminin, qui le remplace.
Sémantique
Selon Trépos (2001:76), le suffixe -der, -ter "marque une qualité".
-der vs. -ded
Le suffixe -der, -ter se distingue morphologiquement du suffixe -ded, -ted car les noms en -der sont tous masculins. Les noms en -ded sont tous féminins. Sémantiquement, le suffixe -ded, -ted est réservé aux mots encore plus abstraits (Vallée 1980:XVII, Kervella 1947:§838, Chalm 2008:W-214).
(1) | uhelder | un ti | / | uhelded | ur spered | |||||||||||||
haut.eur | un maison | haut.eur | un esprit | |||||||||||||||
'la hauteur d'une maison / la hauteur d'un esprit' | ||||||||||||||||||
Standard, Kervella (1947:§838) |
(3) | ar gwanderiou | a | zeu | eus | ar wanded | |||||||||||||
le faible.N.s | R1 | vient | de | le 1faible.esse | ||||||||||||||
'les infirmités qui viennent de la faiblesse' | ||||||||||||||||||
Le Roux (1915) | ||||||||||||||||||
cité dans Vallée (1980:XVII) |
Parfois, la différence de sens n'est pas flagrante. Sur l'adjectif tomm 'chaud', on construit tommder et tommded, 'chaleur' (Helias 1986:13). Dans kaerderted, il semble que les deux suffixes se suivent.
(3) | pebéh | hardéhted ! | ||||||||||||||||
quel | beau.té | |||||||||||||||||
'Quelle beauté !' | ||||||||||||||||||
Vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:79) |
La carte 017 du NALBB mentionne pour 'hauteur' la forme uhelded à Botmeur et uhelder en différents points du Trégor, mais on ne peut en conclure de variation dialectale sémantique car ils apparaîssent sans contexte.
-der vs. -oni
Selon Le Roux (1915:68) citant Vallée, -der se prête moins bien au sens moral que -oni.
- kemeret brasoni ouz brasderiou e garg
- 'prendre de l'orgueil (grandeur dans l'esprit) des grandeurs (dans les choses) de sa charge'
- kemeret chouervoni ouz c'houervderiou ar vuez
- 'contracter de l'amertume (dans l'âme) des amertumes (des choses) de la vie.'
-der vs. -ijenn
En cornouaillais de l'est maritime, le suffixe -ijenn "remplace les suffixes -der/-ded en fin des suffixes exprimant une grandeur, mesure" (Bouzec & al. 2017:17), qui donne:
- brassijenn 'grandeur', chirijenn 'longueur', donijenn 'profondeur', huelijenn 'hauteur', ledanijenn 'largeur'.
(4) | Yoñ | zo | daou | vet' | chirijenn. | ||||||||||||||
lui | est | deux1 | mètre | long.eur | |||||||||||||||
'Il fait deux mètres de long.' | |||||||||||||||||||
Cornouaillais de l'Est, Bouzec & al. (2017:85) |
Diachronie
Le suffixe der, -ter est dérivé du proto-celtique *‑tero‑, m. (Irslinger 2014:95).
Le suffixe der, -ter fut occasionnellement traité comme féminin aux XVII° et XVIII° (Hemon 1975:27), mais il est toujours masculin en langue moderne.
Horizons comparatifs
Deshayes (2003:40) relève les suffixes -der en cornique et en gallois.
Bibliographie
- listenn ar gerioù brezhonek savet diwar -der war wiktionary.
- George, Ken. 1992. 'The noun suffixes ‑ter/‑der, ‑(y)ans and ‑neth in Cornish', Études Celtiques 29, 203–213. texte.