-ded, -ted

De Arbres

Le morphème -ded, ou -ted, est un suffixe productif qui sert à former des noms abstraits sur une base adjectivale.


(1) berr 'court, bref' => berrded 'brièveté'

(2) berr.boell.ded 'versatilité'

poell.us.ted 'discrétion, intelligence active', Merser (2009)


Trépos (1968:§120) donne uhelded 'hauteur', brasted 'grandeur', gwanded 'faiblesse', splannded 'clarté, splendeur'.

Chalm (2008:W-214) donne izelded 'bassesse' et eürusted 'bonheur'.


Morphologie

allomorphe en -dez

La forme en -ted est le résultat d'un sandhi.

Kervella (1947:§838) signale quelques occurrences d'allomorphes en -dez, dont Meurdez. On trouve aussi don(d)ez 'profondeur' (Favereau 1997:§168).


genre

Le suffixe -ted, -ded forme en KLT un nom féminin (Menard & Bihan 2016-). Pour le cornouaillais Trépos (1968:§129), les noms en -ded, -ted sont toujours féminins (brasted 'grandeur', gwanded 'faiblesse') et s'opposent en cela aux noms en -der, -ter toujours masculins (donder 'profondeur', kaleter 'dureté').


(1) Un dra vat int evit ar vevliesseurted hag evit stourm ouzh tommadur an hin.
un 1chose 1bien sont pour le 1bio.divers.ité et pour lutter contre chauff.ement le climat
'Ils sont bénéfiques pour la biodiversité et pour la lutte contre le réchauffement climatique.'
Standard, Ya [18/10/2023]


Le vannetais Le Bayon (1878:14) considère à tort que les noms en /det/ sont masculins dans les autres dialectes, et que l'emploi féminin est récent en vannetais du XIXe (il confond probablement ici les deux genres). Irslinger (2014:89) remarque que Deshayes (2003:377) classe kaouded 'cœur, pensée' du latin cavitātem comme un nom masculin, contrairement à Hemon.

nombre

Les mots suffixés en -ted ou -ded n'ont pas de pluriel (Kervella 1947:§853).

exocentricité

Le suffixe ded, -ted est exocentrique: il s'affixe sur un adjectif et obtient un nom.

variation dialectale

Selon Irslinger (2014:95), en vannetais, le suffixe -ded, -ted, féminin, remplace le suffixe -der, -ter, masculin, des noms abstraits désadjectivaux des dialectes KLT du Nord.


Sémantique

-ed vs. -ded

Goyat (2012:321) note l'alternance entre les suffixes -ed et -ded dans sklêred/sklêrded 'clarté'.


-der vs. -ded

Les noms en -der sont tous masculins. Les noms en -ded sont tous féminins. Le suffixe -ded, -ted se distingue du suffixe -der, -ter en standard par un plus haut niveau d'abstraction (Vallée 1980:XVII, Kervella 1947:§838, Chalm 2008:W-214).


(1) uhelder un ti / uhelded ur spered
haut.eur un maison haut.eur un esprit
'la hauteur d'une maison / la hauteur d'un esprit'
Standard, Kervella (1947:§838)


(2) ar gwanderiou a zeu eus ar wanded.
le faible.N.s R1 vient de le 1faible.esse
'les infirmités qui viennent de la faiblesse'
Le Roux (1915)
cité dans Vallée (1980:XVII)


La différence de sens n'est parfois pas flagrante. Sur l'adjectif tomm 'chaud', on construit tommder et tommded 'chaleur' (Helias 1986:13). Sur l'adjectif sal 'salé', on construit sallded et sallder 'salure, qualité de la chose salée' (Rostrenen 1732:841b).

Dans kaerderted, il semble que les deux suffixes se suivent.


(3) pebéh hardéhted !
quel beaut
'Quelle beauté !'
Vannetais, Guillevic & Le Goff (1986:79)

-der et -ded vs. -adurezh

Vallée (1980:XIX) considère que -ded, comme -der, peut dénoter des qualités physiques, en contraste avec la finale en -adurezh qui peut servir à dénoter une qualité morale.


(1) skañvder, skañvded 'légèreté (physique)' skañvadurez 'légèreté morale'
breskder, breskded 'fragilité (physique)' breskadurez 'fragilité morale'
Vallée (1980:XIX)


On a une autre paire minimale avec l'adjectif seven 'poli' qui donne sevended 'politesse' et sevenadur 'culture', sevenadurezh 'civilisation'.

Diachronie

Le breton -ded, -ted dérive d'un emprunt au suffixe féminin latin ‑tātem en proto-brittonique (Irslinger 2014:89). Zimmer (2000:321f.) signale en proto-brittonique un autre suffixe en *-tātan, avec lequel le suffixe ‑tātem emprunté du latin aurait pu se fondre.

En moyen breton, le Catholicon donne au XV° abhominabldet comme correspondant au français abomination et au latin abhominatio.

Horizons comparatifs

Irslinger (2014:89) met -ded/-ted en correspondance avec le gallois ‑dod/‑tod dont le genre varie, et avec le moyen cornique -ses. Deshayes (2003:40) pointe le cornique -sys.

À ne pas confondre

Favereau (1997:§168) donne don(d)ez 'profondeur', comme dérivé du suffixe -ezh qui forme des noms à partir des adjectifs, comme dans furnezh 'sagesse'. Il s'agit cependant probablement de l'allomorphe du suffixe -ded, -ted.

Bibliographie