Différences entre les versions de « -ad, -iad »
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Il existe en breton trois suffixes ''[[-at]]'': un suffixe ''[[-at (Adj.)|-at]]'' qui a servi à former des [[adjectifs]] comme ''hegar'''at''''', 'aimable' et ''dere'''at''''', 'convenable', un suffixe ''[[-at (excl.)|-at]]'' exclamatif sur les adjectifs, et un autre qui est un [[suffixe verbal de l'infinitif]] comme dans ''labourat''. | Il existe en breton trois suffixes ''[[-at]]'': un suffixe ''[[-at (Adj.)|-at]]'' qui a servi à former des [[adjectifs]] comme ''hegar'''at''''', 'aimable' et ''dere'''at''''', 'convenable', un suffixe ''[[-at (excl.)|-at]]'' exclamatif sur les adjectifs, et un autre qui est un [[suffixe verbal de l'infinitif]] comme dans ''labourat''. | ||
== Terminologie == | |||
Les noms d'habitant.e.s d'un pays sont désignés en breton par l'epression ''anv broiz''. | |||
Version du 11 juillet 2016 à 15:49
Le suffixe -ad ou -iad est très productif. Dans son emploi prototypique, il marque le contenu du référent du nom avec lequel il apparaît.
(1) | 'Neus ket | debret | 'met | 'r begad. | |||
ne a pas | mangé | seulement | un bouch.ée | ||||
'Il n'a mangé qu'une bouchée.' | Riec, Bouzeg (1986:I) |
Il dénote des noms concrets, mais a aussi des usages plus abstraits, et forme des noms d'évènements, ou des noms d'agent comme les habitant.e.s d'un pays.
Morphologie
Le morphème -ad peut se trouver sous la forme -iad.
(5) Ur porzhiad (mat a v-) bugale zo.
- ‘La cour est pleine d’enfants.’, Léon, Madeg (2013:8)
Le suffixe -ad, -iad, apparaît en fin de composé, parmi les autres suffixes. Il précède le suffixe singulatif -enn.
(1) | Aze a zo sardin? | - Ya, ul livadenn . | |||||
là R y.a sardine | oui un couleur.contenant.singulatif | ||||||
'Y-a-t-il de la sardine là? - Oui, une mince couche (très peu).' | Gros (1970b:§'livadenn') |
endocentricité
Le suffixe -ad, -iad est endocentrique, il obtient un nom de même genre que la racine sur laquelle il s'affixe (Kervella 1947:§830, Goyat 2012:315).
nombre
Le suffixe -ad prend un pluriel syntaxique en -où (Mouladuriou Hor Yezh 1993:221) sauf s'il qualifie les habitants d'un lieu Breizhad donne Breizhiz au pluriel.
variation vannetaise ?
Falc'hun & Fleuriot (1978-79:4B) citent comme pluriel vannetais le suffixe -ad, mais n'ajoutent pas d'évidence grammaticale. Ils citent ruskad, 'ruche', kerdad, 'corde (de bois)' et feskad, 'faisceau'.
Le Bayon (1878:12) considère aussi que le suffixe -ad est une marque de féminin pluriel. La confusion vient plausiblement du fait qu'à ce suffixe -ad sur nom collectif peut être substituée une finale en -ennoù, effectivement féminin pluriel.
(1) | ur bern burbu | 'un tas de pustules' | > burbu est un nom collectif | Standard, mentionné dans Menard & Kadored (2001) |
burbuen | 'pustule' | singulatif en -enn sur nom collectif | Vannetais, mentionné dans Le Bayon (1878:12) | |
burbuennoù | 'pustules' | pluriel en -où sur singulatif en -enn sur nom collectif | Standard, mentionné dans Menard & Kadored (2001) | |
burbuad | 'pustules d'un membre' | Vannetais, mentionné dans Le Bayon (1878:12) |
Le suffixe -ad, même s'il peut effectivement dénoter des entités plurielles dans le monde, transforme un nom syntaxiquement pluriel comme un nom collectif en un nom syntaxiquement singulier. Le suffixe -ad n'obtient pas non plus de genre féminin (ur vurbuen, 'une pustule' mais er burbuad, 'les pustules d'un membre', Le Bayon 1878:12).
genre
Le suffixe -ad, -iad ne modifie pas le genre de sa racine (Press 1986:63).
- ur1 werennad,
- 'un verre plein', Favereau 1997:§141).
composition
Les noms collectifs peuvent être suffixés en -ad. On obtient alors comme dénotation le contenu sémantiquement pluriel d'un ensemble singulier.
Le suffixe -ad peut sélectionner des bases verbales, pour former des noms d'action. Il est alors obligatoirement suivi des suffixes -enn (finale -adenn d'une action individuelle) ou -eg (finale -adeg d'une action collective).
Le suffixe -ad peut être trouvé sur une base nominale elle-même composée:
(3) | ...evit ma vefe | lakaet e renk | an ofisourien | ur | Breizh-atav-ad | eus e seurt. | |
... pour que serait | mis dans rang | le offic.iers | un | Bretagne-toujours-ad | de son sorte | ||
'... pour qu'un nationaliste breton de son acabit soit nommé officier.' | Denez (1993:24) |
(4) | korventenn vras | an | daou-ugent-ad-où | ||||
tempête.F1 grande | le | 2-20-ad-PL | |||||
'la grande tempête des années quarante.' | Denez (1993:24) |
Sémantique
marque du contenu
Le suffixe -ad marque le contenu de manière très productive.
(1) Ne oa ken un hanter ilizad
- ’L'église n'était qu'à moitié remplie.’, Léon, Madeg (2013:8)
(2) Ur bonedad kistin zo deuet gantañ.
- ‘Il a ramené plein son bonnet de châtaignes.’, Léon, Madeg (2013:8)
Trépos (2001:75) donne tiad, 'maisonnée'; bozad, 'poignée (les deux mains réunies)'; dornad, 'poignée (une main fermée)', loaiad, 'cuillerée'.
Le contenu peut être imagé (le contenu d'un gilet).
(3) | Tapet | ur jiletennad | gantañ. | |||||
attrapé | un gilet-ad | avec.lui | ||||||
'Il a pris une cuite (plein le gilet).' | Haut-cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:II) |
Sur un nom collectif, -ad marque un ensemble singulier d'entité plurielles.
(2) | kibrien | 'un chevron' | kibriad | 'les chevrons d'un toit' | kibrieu | 'des chevrons' | |
gourien | 'une racine' | gouriad | 'les racines d'un arbre' | gourienneu | 'des racines' | ||
kerlen | 'un cercle' | kerlad | 'les cercles d'un fût' | kerleu | 'des cercles' | ||
Vannetais, Le Bayon (1878:17) |
Cependant, ce même ensemble peut être obtenu, au mins au négatif, sans le suffixe -ad (gourien, 'racine' > dihouriennein, 'déraciner', Vannetais, Le Bayon (1878:9).
marque de longueur
Kervella (1947:§830) note que le suffixe -ad peut dénoter une mesure de longueur plutôt que de contenu (kammad, troatad).
Cependant, l'absence de lénition dans ces cas lui fait suggérer une dérivation en -hed, 'longueur' (troad - hed). Goyat (2012:320) analyse similairement /'møtad/, meutad en /pouce+longueur/, '25 mm' et /'trwatad/, troatad en /pied+longueur/, '32 cm'.
(5) | Monet a rae | a bihan fourchad. | |||||
aller R faisait | à petit pas.long | ||||||
'Il allait à petits pas.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:45) |
(6) | Ur meudad | lagoud-jistr | |||||
un pouce-ad | distillé-cidre | ||||||
'Un pouce, un doigt d'eau de vie.' | Le Scorff, Ar Borgn (2011:36) |
nom abstrait
Le contenant peut être un nom abstrait, comme dans le cas de koulzad, 'temps, moment'.
(3) | Ne oa ket | kalz a veajourien, | daoust ma | oa kroget | koulzad | an touristañ. | |
ne était pas | beaucoup de voyageurs, | bien que | était commencé | période-ad | le tourisme | ||
'Il n'y avait pas beaucoup de voyageurs, bien que la haute saison eût commencé.' | Beyer (2009:6) |
maladie
Le suffixe -ad apparaît dans des noms de maladies (Kervella 1947:§830, Chalm 2008:W-213). La base réfère au membre atteint.
(1) fri, 'nez' > friad
- 'mal au nez, rhinite, cuite'
(2) | Hennez e-neus | tapet eur gouzougad. | |||||
celui.ci R-a | attrapé un cou.sfx | ||||||
'Celui-là a attrapé mal au cou.' | Trégorrois, Gros (1984:347) |
(3) | Pebez | kalonad | d'eur vamm! | |||||
quel | cœur.ée | à un1 mère | ||||||
'Quel crève-cœur pour une mère!' | Trégorrois, Gros (1984:432) |
coup
Le suffixe -ad apparaît dans des noms de coups (Kervella 1947:§830, Chalm 2008:W-213). La base dénote alors le membre atteint ou l'outil utilisé pour frapper.
(2) | eur vazad | eur skouarnad | |||||
un bâton.sfx | un oreille.sfx | ||||||
'un coup de bâton', 'un coup sur l'oreille (une gifle)' | Trégorrois, Gros (1984:347) |
noms d'agent
Le suffixe -ad, iad forme aussi la dérivation pour des noms d'agent.
(1) | Pep | dén | a zo | gaouiad. | ||
chaque | homme | R est | mensonge.eur | |||
'Tout homme est menteur.' | Vallée (1926:34) |
Trépos (2001:77) donne tremeniad, 'passant' et reuziad, 'malheureux'.
Chalm (2008:W-213) donne lore, 'laurier' > loread, 'lauréat'.
Ces noms d'agent ont une dérivation nominale classique: les marques du féminin sont -adez, -iadez. Les marques du pluriel sont en -idi.
habitants
La dérivation en -ad, -iad est utilisée pour dénoter l'habitant.e d'un pays (Brest, brestad, 'brestois'; brestadez, 'brestoise'). Le pluriel est alors irrégulier au masculin, avec le suffixe -iz: brestiz (masc. PL).
Vallée (1980:XVII) donne meneziad, 'montagnard', 'eneziad, 'insulaire', Sant-Briegad, 'Briochin'.
Selon Gros (1984:347), "le suffixe -ad marquant l'habitant n'est plus très vivant en Trégor. On y connaît encore Tregeriad, 'Trégorrois', Leoniad, 'Léonard', Kernevad, 'Cornouaillais', ces deux derniers devenant souvent au pluriel Leoniarded et Kernevarded, au lieu des pluriels réguliers Leoniz et Kerneviz."
Ce suffixe est prononcé /-aez, -aes / à Groix au singulier, et /-i:z/ au pluriel (Ternes 1970:205).
porteurs de théorie
Vallée (1980:XVII) pointe que le suffixe -ad, -iad peut être employé au sens de "disciple de, membre associé, partisan". Il donne (Sant-)Francezad, 'disciple de Saint-François, franciscain', douead, 'théiste', platonad, 'platonicien'.
-er, -our vs. -ad, -iad
Vallée (1980:XVII) note que la différence sémantique entre le suffixe -er, -our et le suffixe -ad, -iad "distingue les sens actif et passif". Il compare:
(1) donezoner, donezonour, 'donateur' et donezoniad, 'donataire'
- dilezer, dilezour, 'cédant' et dileziad, cessionnaire'
Kervella (1947:§831) le suit. Il oppose prizonier, 'personne qui fait de la prison' et prizoniad, 'personne détenue, incarcérée'.
évènement
Kervella (1947:§830) signale des formations de noms d'évènements en -ad sur une racine verbale. Il donne berad (diverradenn), dlead, krogad.
Par extension, on trouve le suffixe -ad sur des noms dénotant des actions collectives. Kervella (1947:§830) donne gwiad', ruskad, kregad, kerlad.
durée
Pour exprimer la durée, le suffixe -iad peut parfois se retrouver en conccurrence avec le suffixe plus productif et largement répandu -vezh (Helias 1986:13).
(1) | Pa goumañsemp | deviñ bezhin, | e veze great | ur sizhuniad deviñ bezhin! | ||
quand1 commencions | brûler goemon | R était fait | un semain.-ée brûler goemon | |||
'Quand nous commencions à brûler, nosu le faisions pendant une semaine complète.' | ||||||
Léon (Plougerneau), Elégoët (1982:43) |
Diachronie
Deshayes (2003:39) distingue:
- le suffixe -ad marquant les noms d'agent, qui correspond au cornique -as
- le suffixe -ad marquant la notion de contenu, de durée, qui correspond au gallois -aid, -ad.
Horizons comparatifs
Le suffixe -ad, -iad correspond assez bien sémantiquement au suffixe français -ée, sur le modèle de maison > maisonnée. Cependant, cette suffixation est beaucoup plus productive en breton qu'elle ne l'est en français. En français par exemple, on ne pourrait pas prendre la racine du mot 'peuple' et rajouter son contenant -ée, pour donner *'une peuplée'.
(4) | N'heller ket dastum | rac'h parlant un den | ha nebeutoc'h c'hoazh | ur boblañsad tud. |
ne peut.IMP pas rassembler | tout parlé un homme | et peu.plus encore | un peupl.-ée gens | |
'On ne peut pas collecter tout le parlé de quelqu'un, et encore moins celui d'une population.' | ||||
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:7) |
A ne pas confondre
Il existe en breton trois suffixes -at: un suffixe -at qui a servi à former des adjectifs comme hegarat, 'aimable' et dereat, 'convenable', un suffixe -at exclamatif sur les adjectifs, et un autre qui est un suffixe verbal de l'infinitif comme dans labourat.
Terminologie
Les noms d'habitant.e.s d'un pays sont désignés en breton par l'epression anv broiz.