-aat

De Arbres

Le morphème -aat obtient un verbe en s'affixant sur un adjectif, un adverbe ou un nom. Ce suffixe est un verbe léger, dont le participe est -aet.


(1) Raktal […], ar baotred da dostaat...
de.suite le 1homme.s de1 proch.er
'De suite […], les hommes s'approchèrent...'
Standard, Kervella (1995:§279)


Cornillet (2020) donne skañvaat 'alléger, faciliter' sur l'adjectif skañv 'léger'.


Morphologie

Ce suffixe se trouve dans certains systèmes orthographiques avec un accent circonflexe marquant la voyelle longue.


(2) Daoust piou hallfe iac'hât gouliou ar vuhe ?
à.savoir qui R1 pourrait guér.ir blessure.s le 1vie
'Qui donc pourrait guérir les blessures de la vie ?'
Haute-Cornouaille (Kergrist-Moëlou), Le Garrec (1901:8)


base adjectivale, adverbiale ou nominale

Le suffixe -aat sélectionne une base adjectivale (bihanaat 'minorer') ou adverbiale (araokaat 'avancer'). La base est nominale dans c'hoantaat 'convoiter, vouloir avoir', construit sur le nom c'hoant 'envie'.

À Ploéven en cornouaillais, Gouérec (2018:4) utilise kreskaat 'grandir', sur ce qui semble être une base verbale. La forme standard et répandue ailleurs est kreskiñ.


modification de la base

Le suffixe modifie phonologiquement la base:

un h initial remontant au moyen breton provoque toujours en synchronie un sandhi sur la base.
la dernière voyelle de la base devient brève.

accentuation

L'accentuation montre un phénomène de resyllabification: la consonne finale de la base crée une syllabe à partir de la voyelle longue du suffixe.

Goyat (2012:122) donne, pour Plozévet, /bra'sa:d/, braSAad 'grandir', /ko'sa:d/, koSAad 'vieillir', /ɡɥɛ'la:d/, gwelLAad 'améliorer', /rwɛ'a:d/, rouesAad '(se) raréfier'.


exocentricité

Le suffixe -aat est exocentrique: il obtient toujours un verbe. C'est un verbe léger et c'est lui la tête du composé.


variation dialectale

La variation morphologique des formes de ce verbe léger à la fin du XXe est documentée dans la carte 012 du NALBB pour tostaat 's'approcher' et dans la carte 013 pour pellaat 's'éloigner'.


productivité

Un verbe léger peut être plus ou moins productif. Selon Goyat (2012:206), -aat est à Plozévet "d'un emploi fréquent, mais seulement pour quelques verbes", dont les plus usités sont:

  • /var vɛ'la:d ˌja/, War wellaad e ya 'Son état s'améliore.'
/var wa'sa:d ˌjɛ/, War wasaad e yee 'Son état empirait.'
/var rwɛ'ja:d ˌjɛɲ/, War rouesaad e yeont 'Ils se raréfient.'

Goyat ne fournit que des formes inaccusatives.


catégorie

Contrairement aux différentes désinences verbales de l'infinitif que l'on trouve sur une base verbale, le suffixe -aat est lui-même un verbe. Il est suffixal, donc c'est un verbe léger.

Ce verbe est défectif: il ne se conjugue pas, son paradigme est restreint à l'infinitif et au participe.

Syntaxe

Vallée (1980:XXV) note que les verbes en -(h)aat sont alternativement transitifs ou intransitifs: klañvaat 'devenir ou rendre plus malade'.


structure thématique

En (1), le verbe en -aat est un verbe transitif. Son sujet est un agent qui est la cause d'un changement d'état (>berr 'court'). L'expérienceur du changement d'état apparaît comme objet direct.


(1) Berraad a raont o zennerezh.
court.sfx R1 font leur2 tir.activité
'Ils raccourcissent leurs tirs.'
Vannetais, Herrieu (1994:35)


(2) 'Maon ' tont doc'h netaat an ti.
suis à4 venir de nett.oyer le maison
'Je viens de nettoyer la maison.'
Cornouaillais (Riec), Bouzeg (1986:36)


En (3), le verbe en -aat est un verbe inaccusatif. Il ne sélectionne pas d'agent volontaire qui serait la cause du changement d'état. L'expérienceur apparaît comme objet de la préposition da.


(3) Gwellaad a ra dezañ.
améliorer R1 fait à.lui
'Il va mieux.'
Léonard, Fave (1998:140)


Une phrase, hors contexte, peut être ambigüe entre les deux structures.


(4) Diaesaat a ra d'ar c'hirri kerzhet.
difficile.er R1 fait à le 5voitures marcher
'Ça rend difficile le passage des voitures.'
Vannetais, Herrieu (1994:236)


Il est aussi possible de trouver l'expérienceur en position de sujet du verbe en -aat.


(5) [ betad ǝrǝt avǝzǝl mi frasǝt ]
Betaat a rit a-vuzul m'eh vrasait.
bête.devenir R faites à-mesure que R4 / +C grand.issez
'Vous devenez plus bête en grandissant.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:26)

Sémantique

Sémantiquement, -aat est équivalent à un verbe causatif amenant à un état :


X CAUSE Y ÊTRE dans l'état Z

  • X CAUSE Y ÊTRE dans l'état dénoté par un adjectif :
melen > melenaat = X CAUSE Y ÊTRE dans l'état melen
'jaune' > 'jaunir' = X CAUSE Y ÊTRE dans l'état 'jaune'


betaat 'devenir bête', brasaat 'devenir grand', gwellaat 'améliorer', éloigner, tostaat 'approcher', etc.


  • X CAUSE Y ÊTRE dans l'état dénoté par un nom d'état :
kas > kasaat = X CAUSE Y ÊTRE dans l'état kas
'haine' > 'haïr' = X CAUSE Y ÊTRE dans l'état 'haine'


c'hoantaat 'envier', ankounac'haat 'oublier', etc.


  • X CAUSE Y ÊTRE dans l'état dénoté par un adverbe d'état :
a-raok > araokaat = X CAUSE Y ÊTRE dans l'état araok
'devant' > 'avancer' = X CAUSE Y ÊTRE dans l'état 'devant'


Dans le cas du verbe trugarekaat, la structure est moins claire, avec une affixation sur trugarek 'miséricordieux'.

X expérimente ÊTRE dans l'état Z

Il existe aussi de melenaat 'jaunir' une structure inchoative dont le sujet est l'expérienceur, sans agent exprimé. Lorsque les feuilles jaunissent, elles ne sont pas l'agent de l'action, mais son patient, l'argument interne sur lequel l'action a un effet.

Diachronie

Deshayes (2003:39) dérive le suffixe -(h)aat du suffixe moyen breton -hat.


Horizons comparatifs

celtique

Deshayes (2003:39) met en correspondance le suffixe -aat breton, le cornique -hê et la gallois -hau (-au après c final).


autre

Radford (1997) propose un exemple similaire en anglais avec l'affixe -en:

sadden, /triste + -en/, 'rendre triste'

Un équivalent en français serait le verbe léger suffixal -ir: salir (X CAUSE Y être sale), jaunir (X CAUSE Y être jaune), vieillir (X CAUSE Y être vieux), etc.

La productivité de ce suffixe en français est restreinte: * orangir, * pirir, * meilleurir.


À ne pas confondre

Tous les verbes qui finissent en -aat ne comportent pas ce morphème (cf. lakaat 'mettre', pasaat 'tousser', c'hwitaat 'manquer').


Bibliographie