-añs, -iañs

De Arbres
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Le suffixe -añs, -iañs forme des noms abstraits.


(1) [ ər biwãs d ø tʃət kɛnklõz ɛl irɔk ]
Ar bevañs 'd eo ket kenkloñs èl e-raok.
le nourrit.ure ne+C est pas autant que avant
'La nourriture n'est pas aussi bonne qu'avant.'
Vannetais (Kistinid), Nicolas (2005:16)


Trépos (2001:75) donne noblañs 'noblesse'. Press (1986:217) donne fiziañs 'confiance', dismegañs 'mépris'.

Favereau (1997:§150) donne demeurañs 'domicile', degemerañs 'réception', digorañs 'présentation', diduañs 'attraction', disfiañs 'défiance' et le vannetais nec'hañs 'embarras'.


Morphologie

genre

Les noms en -añs sont féminins, comme ar fiziañs 'la confiance' (Kervella 1947:§840, Trépos 1968:§129).


(2) Eur fiziañs vraz o-doa en enni.
un confiance 1grande 3PL avait en en.elle
'Ils avaient une grande confiance en elle.'
Léonard (Plouzane), Briant-Cadiou (1998:25)


Trépos (1968:§129) relève deux contre-exemples masculins; ar bevañs 'la nourriture' et ar viltañs 'la vermine'. Press (1986:62) reprend l'exemple de ar bevañs 'la nourriture', répliqué pour le vannetais avec biùans 'nourriture', Cheveau (2017:§37).


nombre

Les noms en -añs, lorsqu'ils ont un pluriel, le forment en -où (viltañsoù, Kervella 1947:§840).

Le nom kreañsoù 'créances', est un pluralia tantum - il n'existe qu'au pluriel (Kervella 1947:§840).


exocentricité

Le suffixe -añs forme des noms sur une racine verbale ou adjectivale. C'est donc un morphème exocentrique.

  • Ar re a zo a-skoeañs genin n'o anavan ket nag int naket ne ouiont ket piv on.
'Je ne connais pas ceux qui sont à touche-touche avec moi, et eux ne savent pas non plus qui je suis.'
Vannetais, Herrieu (1994:91)


Productivité

Le suffixe -añs, même s'il est soutenu par l'existence de noms en -ance, -ence en français, apparaît clairement sur des noms qui n'ont pas d'équivalent français avec cette dérivation (* inconfortance).


(3) Pesort diskonfortañs goude marv ma mab !
quel in.confort.N après mort mon2 fils
'Quel abattement après la mort de mon fils !'
Vannetais (Le Scorff), Ar Borgn (2011:7)


En (4), on voit que si le suffixe a été emprunté, ce n'est pas avec son nom racine français (cf. 'croissance' vs. 'augmentation').


(4) ma teufoc'h da vezañ reizh eus ar vicher, e roin deoc'h kreskañs.
si4 viendriez de1 être droit de le 1métier R4 donnerai à.vous croiss.ance
'Je vous augmenterai si vous vous faites au métier.'
Léonard (Bodilis), Ar Floc'h (1985:146)


Le suffixe -añs est par ailleurs renforcé par des emprunts directs au français, comme balañs 'balance' (Press 1986:217).

Sémantique

añs vs. morphème zéro

En (5), le suffixe est optionnel. Lorsque l'article est présent, la nominalisation peut aisément s'effectuer avec un morphème zéro. Le nom oberiañs 'façon' dénote la 'fabrication', le 'résultat du travail', qui est en contexte du tricotage.


(5)a. Ar gloaneier a zo ker, hag an oberïans anezo a zo ive.
le laine.s R1 est cher et le faç.on P.eux R1 est aussi
'Les laines sont chères, et leur façon l'est aussi.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'ober-20')


(5)b. Ar gloaneier a zo ker, hag an ober anezo a zo ive.
le laine.s R1 est cher et le façon P.eux R1 est aussi
'Les laines sont chères, et leur façon l'est aussi.'
Trégorrois, Gros (1970b:§'ober-20')

-añs vs. -amant

Favereau (1997:§150) donne deux paires minimales où les suffixes -añs vs. -amant semblent équivalents, ou laissés au choix d'un dialecte ou l'autre.


(6) diduañs et diduamant 'attraction', Pélem

(7) nec'hañs 'embarras', Vannetais

nec'hamant 'embarras', Standard


-añs vs. autres suffixes

Le suffixe -ance en français est un suffixe assez répandu, mais son emprunt en breton est encore plus généraliste car il traduit aussi des mots français en '-sion/-tion, -eté/-ité. On trouve en breton le suffixe emprunté -añs en concurrence avec les différents suffixes -idigezh, -iezh, -egezh, -oni.


(8) traduction dérivé en -añs forme concurrente
'indépendance' dizepantanz frankiz
'insouciance' dizoursianz dibreder
'insoumission' disoumetanz dizentidigez
'entremise, médiation' hanterouranz hanterouriez
'oisiveté' diokupanz leziregez
'incrédulité' diskredanz diskredoni
propositions de corrections de Jaffrennou (1914) par Le Roux (1915:82)


Diachronie

De source latine, le suffixe -añs, -iañs peut avoir été emprunté en breton à l'ancien français ou au cornique via le moyen anglais.

Le suffixe latin ‑antia, ‑entia, f. a donné le suffixe vieux français ‑ance, ‑ence f. Bonnard & Régnier (1989:25) considèrent que -ance en ancien français vient précisément des participes en -antem et -entem, comme dans aparance (XII°), refait en apparence au XIV° d'après apparentem.

Le moyen anglais a emprunté ce suffixe, et l'a transmis au moyen cornique, qui avait déjà un autre suffixe -ans (remontant au vieux cornique -ant). La fusion du suffixe cornique -ans et du suffixe homonyme emprunté au moyen anglais a donné le suffixe moderne -(y)ans (Watkins 1961:102, George 1992:207ff). Cette présence du suffixe dans le domaine celtique fait écrire à Kervella (1947:§840) que -añs est d'origine celtique.

En parallèle, le suffixe -añs est soutenu en moyen breton, en breton pré-moderne et en breton moderne par des constants emprunts aux mots en -ance, -ence du français et de l'ancien français (Deshayes 2003:39).


Kervella (1947:§840) donne, pour le suffixe d'origine celtique : pareañs, nec'hañs, enebañs, dismegañs, bezañs, ezvezañs.

Il donne, pour le suffixe d'origine française : fiziañs, rekourañs, balañs, venjañs.


Bibliographie